Accusés de terrorisme: ils voulaient s’approprier par la force un territoire au nord de la ville de Québec
Trois membres actuels et passés de l'armée canadienne, dont deux caporaux de Valcartier, font face à des accusations

Sarah-Maude Lefebvre
Trois membres actuels et passés de l'armée canadienne, dont deux caporaux de Valcartier, de même qu'un ancien instructeur de cadets, sont accusés d'avoir participé à un sombre projet visant à instaurer par la force un état de non-droit au nord de Québec.
Selon la Gendarmerie Royale du Canada, le caporal de la base de Valcartier Marc-Aurèle Chabot, ainsi que Simon Angers-Audet et Raphaël Lagacé, souhaitaient mettre sur pied une milice «antigouvernement et antiautorité» pour atteindre cet objectif.
Ils ont été accusés hier d’avoir facilité une activité terroriste. Cette infraction criminelle est passible d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement.
Un quatrième individu, Matthew Forbes, aussi caporal à Valcartier, fait face à une kyrielle d’accusations en lien avec des armes à feu.
Les quatre individus ont brièvement comparu en fin d’après-midi mardi à partir du quartier cellulaire du poste du Service de police de la Ville de Québec. Tous très formels, ils ont accepté le report de leur enquête sur remise en liberté à la semaine prochaine, puisque la Couronne fédérale s’oppose à leur cautionnement.
Les Forces armées canadiennes ont indiqué, sans préciser qui avait occupé quelle fonction exactement, que les deux autres accusés étaient un ancien militaire et un ancien instructeur civil des Cadets de l’Aviation royale du Canada.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Alexandre Dubé, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Entraînés depuis des années
Selon la GRC, Chabot, Angers-Audet et Lagacé s’entraînaient depuis des années au Québec et en Ontario, notamment à des exercices de tir et de survie. Du repérage aurait aussi été effectué sur le terrain. Les autorités n'ont pas dévoilé précisément quel territoire ils souhaitaient occuper par la force.
L’Équipe intégrée de sécurité nationale de la GRC a commencé à les surveiller en mars 2023.
Les trois accusés auraient notamment eu recours à un compte Instagram privé pour tenter de recruter des gens habiles dans le maniement des armes à feu pour leur future milice.

Ce compte servait aussi à identifier leurs lieux d’entraînement au Québec et en Ontario. La GRC n’a pas encore réussi à le faire fermer. Les accusés y faisaient également l’apologie de la violence et des armes, selon le corps de police.
D’ailleurs, lors d’une perquisition menée en janvier 2024, les policiers avaient mis la main sur un impressionnant arsenal, soit 16 engins explosifs, 83 armes à feu et accessoires, environ 11 000 munitions de divers calibres et près de 130 chargeurs.

Certains accusés possédaient même de l’équipement plus avancé que ce dont dispose l’armée canadienne (voir ci-bas).

Mouvance violente et traditionaliste
Le groupe de suspects appartiendrait à une mouvance d’extrême droite violente et traditionaliste.
«L’idée de créer une nouvelle société est présente dans l’idéologie de beaucoup de groupes d’extrême droite. [...] En général, c’est mêlé à de la misogynie. C’est vouloir retourner aux valeurs très traditionnelles, avec le retour des femmes à la maison, littéralement dans la cuisine, à s’occuper des enfants», a expliqué Camille Habel, sergent d’état major à la GRC.
«On parle carrément de la violence comme idéologie et non pas [comme outil] pour faire avancer une cause [...] C’est presque une adoration de la violence», a-t-elle ajouté.
– Avec Pierre-Paul Biron
Équipés pour faire la guerre
Les quatre extrémistes violents allégués qui ont été arrêtés par la GRC mardi disposaient d’un imposant arsenal militaire, incluant des lunettes de vision plus performantes que celle de nos militaires.
Armes à feu et munitions
CZ BREN 2 MS calibre 5,56 NATO ou 223 REM
- Cette carabine semi-automatique tchèque conçue pour optimiser un tir précis est le fusil d’assaut de prédilection des forces de défense ukrainiennes pour sa fiabilité au combat.
- Environ 3300$ CA
Arme de poing Glock 17 calibre 9mm
- C’est un pistolet semi-automatique autrichien léger et compact destiné aux forces militaires et aux services de police. Il est notamment utilisé par la Sûreté du Québec.
- Environ 800$ CA
31 chargeurs à capacité prohibée (30 coups) de calibre 5,56 NATO ou 223 REM
- Environ 480$ CA chacun
Explosifs
18 grenades fumigènes militaires
- Elles produisent une fumée colorée dense qui permet par exemple de marquer une cible ou une zone d’atterrissage. En contexte de combat, elles créent des écrans de fumée qui dissimulent les mouvements de troupes à l’ennemi tout en le désorientant.
- Environ 60$ CA chacune
1 fusée de signal militaire (paraflare)
- Ces outils sont utilisés par les soldats pour signaler leur présence à un hélicoptère allié ou pour illuminer temporairement une zone d’action dans des conditions de faible luminosité.
- Environ 20$ CA pour les modèles de base
Outils tactiques
Lunette de vision de nuit de troisième génération de marques Low Light Innovations et L3Harris à 2 tubes
- Ces systèmes qui ressemblent à des jumelles permettent aux combattants de voir la nuit. Ils sont équipés de deux tubes de vision nocturne, un pour chaque œil, ce qui les rend plus performants que ceux qu’utilisent les Forces armées canadiennes. Celles-ci utilisent des dispositifs de vision nocturne monoculaire en service depuis plus de 20 ans.
- De 5000$ à 8000 $ CA
Systèmes de visée laser AN/PEQ-15 de marques L3Harris et ATILLA-200
- Ces outils militaires s’installent sur une arme longue. Ils permettent de viser une cible avec précision, même en pleine nuit, et à distance.
- Entre 800$ et 5000$ CA selon les modèles
– Anne-Caroline Desplanques
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