Absolution pour agression sexuelle: l’ingénieur perd son emploi
Michael Nguyen | Journal de Montréal
L’ingénieur coupable d’agression sexuelle qui avait obtenu l’absolution pour que cet événement ne nuise pas à sa carrière a perdu son emploi, et il semble maintenant vouloir se diriger vers le domaine du droit.
• À lire aussi: Pas de casier pour un agresseur sexuel
«L’entreprise a décidé de mettre un terme à son lien d’emploi ce matin lors d’un appel téléphonique», a affirmé au Journal le vice-président aux ressources humaines de Canimex, Michel Goulet.
Simon Houle, 30 ans, est cet ingénieur qui avait admis avoir agressé sexuellement une amie lors d’une fête arrosée, alors qu’il était étudiant à l’Université du Québec à Trois-Rivières en 2019. Il avait également photographié les parties intimes de sa victime.
Accusé d’agression sexuelle et de voyeurisme, Houle avait attendu deux ans avant de plaider coupable.
Pour le juge Matthieu Poliquin, il s’agissait d’une punition bien suffisante, si bien qu’il ne méritait pas les 18 mois de prison que réclamait la Couronne. Sans compter que durant ses thérapies, Houle avait admis avoir fait une autre victime dans le passé, ce qui a été vu par le juge comme un signe de «transparence».
Mis «à l’écart»
«Il est habituellement une personne qui aide et supporte les autres, et non une personne qui les agresse, avait dit le magistrat. Son arrestation, sa mise en accusation et le délai de plus de deux ans à penser aux conséquences [...] sont suffisamment dissuasifs.»
Le juge avait également expliqué que durant ces deux années, son employeur l’avait mis «à l’écart au travail». En raison des lois sur le travail, l’entreprise ne pouvait faire plus.
«Son employeur refuse qu’il participe aux fêtes ou sorties de bureau», peut-on lire dans la décision, indiquant que Houle avait été maintenu en télétravail malgré la fin des mesures sanitaires.
La victime, de son côté, a subi plusieurs conséquences psychologiques dévastatrices, qui ont même mené à une hospitalisation. Cela a affecté son parcours scolaire, sans compter qu'elle a dû arrêter de travailler pendant cinq mois, ce qui lui a causé des difficultés financières.
Certificat en droit
Mais pour ne pas mettre de bâton dans les roues de l’agresseur sexuel, le juge Poliquin avait décidé qu’une absolution conditionnelle à une probation de trois ans et un don de 6000$ à un organisme venant en aide aux victimes étaient une bonne idée.
«Pour l’avenir, s’il ne peut pas voyager à cause de la présence d’antécédents judiciaires, ses possibilités d’emploi en ingénierie seront limitées», avait-il affirmé.
Lors des audiences à la cour, Houle avait affirmé qu’il souhaitait rester ingénieur, mais qu’il pourrait éventuellement changer de domaine.
«Il a entrepris, à temps partiel, un certificat en droit», indique le jugement.
Houle n’en a toutefois pas fini avec la justice, puisque la Couronne vient d’annoncer qu’elle porterait cette absolution en appel.
«Une requête pour permission d'en appeler est en cours de rédaction et sera déposée au greffe de la Cour d'appel d’ici le 21 juillet», a affirmé la porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales Me Audrey Roy Cloutier, tout en ajoutant que la victime avait été avisée des développements de l’affaire.
La victime a été avisée de notre intention. Rappelons qu’une ordonnance limitant la publication de tout renseignement permettant de l’identifier est toujours en vigueur.
— Me Audrey Roy-Cloutier (@AudreyDPCP) July 5, 2022
Quant au juge Poliquin, une première plainte a été déposée contre lui au Conseil de la magistrature, par un citoyen.
«La sentence [...] et les paroles utilisées par le juge Poliquin [...] font en sorte de miner la crédibilité du système judiciaire québécois tout en décourageant les femmes victimes de tels agresseurs de porter plainte dans le futur. Ce jugement donne aussi l’impression que le défendeur, Simon Houle, est lui-même une victime», peut-on lire dans la plainte qui a été partagée sur les réseaux sociaux.