Pas de casier après avoir battu et étranglé son ex-femme afin de ne pas nuire à sa carrière
Coupable de violence conjugale, un homme bénéficie d'une absolution conditionnelle

Antoine Lacroix
Un homme de Gatineau coupable d’avoir battu, étranglé et menacé son ex-conjointe s’en sort sans casier judiciaire afin de ne pas nuire à sa carrière et de ne pas l’empêcher de pouvoir voyager, lui qui jurait regretter ses gestes.
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«C’était un événement isolé au cours d’un mariage de 17 ans. La Cour conclut qu’il n’a pas été impliqué dans un pattern de violence conjugale, mais que cet événement a affecté la santé psychologique de [la victime] et de ses enfants», a souligné le juge Serge Laurin, en accordant une absolution conditionnelle à Joshua Schoo.
L’homme de 42 ans s’en était violemment pris à son ex-femme après une dispute, en mars 2021. Il a été accusé d’agression causant des lésions et d’avoir étranglé sa victime, en plus de l’avoir menacée.
Plusieurs mois auparavant, l’accusé avait entamé une relation extra-conjugale. Il avait même encouragé la victime à faire comme lui, apprend-on dans la décision rendue récemment.
Mais le 6 mars 2021, elle lui a avoué qu’elle avait rencontré quelqu’un. L’accusé ne l’a pas accepté, si bien qu’il s’est mis à consommer beaucoup d’alcool et à insulter sa conjointe.
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Avec un oreiller
À un moment, elle est allée se réfugier dans sa chambre et Schoo a défoncé la porte, tenant dans sa main un oreiller.
«Quand il a apporté l’oreiller à l’étage, j’ai cru que j’allais mourir. [...] Je pensais que j’allais devenir une statistique», a décrit la femme dans une lettre touchante au tribunal.
«Je vais te mettre une volée (“I’m gonna beat the shit out of you”)», lui a crié l'accusé, peut-on lire.
C’est leur fille de 13 ans qui a dû appeler les secours en voyant son père assis par-dessus sa mère, en train de tenter de l’étrangler et de lui donner des claques.
L’attaque a laissé la femme avec plusieurs ecchymoses sur le corps, des égratignures sur l'épaule et une importante rougeur au niveau du cou. Plusieurs enfants ont été témoins de l'agression.
La Couronne a demandé que Joshua Schoo soit emprisonné six mois en raison de cet épisode de violence conjugale, lui qui était sans antécédents judiciaires.
En défense, l’homme a mis de l’avant qu’il est rapidement allé en thérapie et que son comportement était « une erreur » qu’il regrettait et qu’il ne voulait pas «ruiner sa carrière» à la Ville d’Ottawa en se retrouvant avec un casier judiciaire, réclamant ainsi une absolution conditionnelle, souligne la décision.
Perdre son emploi
«Avec une sentence de six mois d’emprisonnement, il pourrait sérieusement perdre son emploi des 15 dernières années, ce qui aurait un important impact financier sur ses enfants [la victime] et [l’accusé]», a écrit le juge Serge Laurin.
Il a souligné qu’un casier judiciaire empêcherait l’accusé d’aller visiter sa sœur aux États-Unis et qu’il ne pourrait voyager à l’étranger avec ses enfants. Il ne pourrait aussi plus faire de bénévolat à son église.
Le magistrat a également fait remarquer son «implication dans des thérapies pour changer son comportement et son abstinence à l’alcool et aux drogues».
En s’en sortant sans casier judiciaire, l’accusé devra respecter une série de conditions, dont ne pas s’approcher ou ne pas entrer en contact avec la victime et poursuivre son cheminement thérapeutique.
Il devra aussi verser 5000$ à un organisme communautaire.
Une telle décision, qui n’est pas sans rappeler celle rendue dans le cas de l’ingénieur Simon Houle, « surprend » la juge à la retraite Nicole Gibeault. Elle se serait attendue à une sentence « plus sévère », alors que la population dénonce vivement la violence faite aux femmes dans un contexte de vague de féminicides.
Dissuasion
«Je comprends les motifs évoqués par le juge ayant mené à l’absolution, mais nous sommes en 2022 et la société a évolué et est rendue ailleurs. Les sentences doivent être plus dissuasives pour refléter tout ça», a-t-elle fait remarquer.
Elle est également surprise que la Couronne ait déposé les accusations par voie sommaire et non par acte criminel, ce qui est considéré comme moins grave.
Les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) se sont aussi étonnés du jugement, qui va «à l’encontre du courant actuel qui met l’emphase sur la dénonciation et la dissuasion».
«On peut redouter le message que cette sentence envoie aux victimes de violence conjugale, dont certaines craignaient déjà de dénoncer et de participer à un processus judiciaire», a-t-on réagi par courriel.
Contactée par Le Journal, la victime a de son côté préféré ne pas commenter pour le moment, afin de ne pas interférer avec le processus d’appel de la sentence.
En effet, le Directeur des poursuites criminelles et pénales procède «à un examen approfondi des motifs qui soutiennent [la décision] afin d’évaluer toutes les avenues possibles», a indiqué par courriel sa porte-parole, Audrey Roy-Cloutier.
Selon nos informations, l'avis d'appel pourrait être déposé dès cette semaine.
Joshua Schoo n’a pas voulu commenter, se disant surpris de la publication d’un article sur « les temps terribles que lui et sa famille ont endurés ».
«La Ville d’Ottawa ne formule aucun commentaire sur des renseignements privés concernant une personne», a de son côté réagi son employeur.
– Avec Raphaël Pirro, Agence QMI
Ce que la victime a écrit
«Nos enfants se tournent vers nous, en tant que parents, pour la sécurité, l’amour [...] et il les a trahis.»
«Mes garçons ne me disent pas “je t’aime” sans me dire “je t’aime maman, ne meurs pas”. Ça a commencé il y a un an.»
«Sans conséquences, ils auront l’impression que vous êtes en train de dire que ce qui s’est passé alors qu’ils étaient là et terrifiés, c’était correct.»
«Je suis reconnaissante d’être ici et de pouvoir respirer aujourd’hui, mais une partie de moi est morte [cette soirée-là]. [...] Je suis donc ici pour me battre pour mes filles et pour mes fils.»
«Il m’a enlevé la capacité de faire confiance ou d’aimer quelqu’un de manière romantique, l’homme qui était censé me protéger.»
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SOS violence conjugale
- www.sosviolenceconjugale.ca
- 1 800 363-9010 (24h/24, 7j/7)
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