À la retraite avec une hypothèque sur le dos

Michel Girard
Au fil du temps, les finances personnelles d’une forte proportion des aînés se détériorent. À preuve, le nombre de ménages aînés aux prises avec une hypothèque à la retraite ne cesse d’augmenter.
Selon le récent sondage de Royal LePage (Léger), 29% des Canadiens qui prévoient de prendre leur retraite en 2025 ou 2026 affirment qu’ils continueront de rembourser leur prêt hypothécaire sur leur résidence principale pendant leur retraite.
C’est deux fois plus qu’en 2016, alors que Statistique Canada révélait que 14% des ménages composés de personnes âgées de 65 ans et plus avaient une hypothèque à assumer. Et pour vous prouver que la situation financière des ménages aînés se dégrade d’année en année, sachez qu’en 1999 il n’y avait que 8% des ménages aînés aux prises avec une hypothèque sur le dos.
Quand la retraite rime avec pauvreté
Selon les plus récentes statistiques fiscales colligées par l’Agence du revenu du Canada concernant les aînés québécois de 65 ans et plus, la moitié (50%) d’entre eux étaient non imposables en 2022, tellement leurs revenus étaient faibles. C’est beaucoup plus que dans l’ensemble des contribuables, où le pourcentage des personnes non imposables s’élève à 33,4% au Québec.
Du côté de Revenu Québec, sur les 1,8 million d’aînés de 65 ans et plus, un million d’entre eux (56%) ont rapporté en 2021 un revenu brut inférieur à 35 000$. Dans la fourchette de 35 000$ à 50 000$, il y en avait 316 772 (17,5%).
Reste donc au bout du compte 26,5% de l’ensemble des aînés qui ont rapporté un revenu brut total supérieur à 50 000$.
Des maisons qui valent une fortune... mais qui coûtent cher
Au fil des décennies, le prix des propriétés a très fortement augmenté, tout comme les coûts d’entretien, les taxes municipales, les coûts d’assurance, etc.
Les ménages se sont donc retrouvés avec des hypothèques de plus en plus élevées et des débours reliés à leur propriété de plus en plus coûteux. Ce qui leur laisse, à la fin du mois, moins d’argent pour épargner, soit en vue d’accélérer le remboursement de leur hypothèque ou d’investir dans leur REER, CELI ou autre véhicule de placement.
Cela dit, en raison de la flambée du prix des propriétés dans les 10 dernières années, et plus particulièrement depuis cinq ans, il faut s’attendre à ce que la proportion des ménages qui auront sur le dos une hypothèque lors de leur arrivée à la retraite va sensiblement augmenter au fil des prochaines décennies.
Par contre, les gens qui sont propriétaires depuis longtemps ont engrangé sur papier une alléchante plus-value.
En 10 ans, selon les données colligées par l’APCIQ et le système Centris, le prix moyen de l’unifamiliale au Québec a doublé, passant de 263 926$ (4e trimestre 2014) à 525 621$ (4e trimestre 2024). Pendant cette même période, le prix moyen de la copropriété a grimpé de 70%, voire de 264 642$ à 450 456$.
Dans la grande région métropolitaine, le prix moyen de l’unifamiliale est rendu à 699 583$, en hausse de 98%. Celui de la copropriété s’élève à 492 313$, pour un bond de 72%.
Du côté de la grande région de Québec, les hausses ont été plus modestes. Le prix moyen de l’unifamiliale est passé de 269 794$ à 467 644$, en progression de 73%. Celui de la copropriété atteint maintenant 319 576$, soit 40% de plus qu’en 2014.
Rembourser l’hypothèque ou investir en bourse
Que faire avec ses épargnes? À moins d’être un investisseur aguerri aux poches pleines et avec un degré élevé de tolérance aux risques, je préconise le remboursement accéléré de l’hypothèque au lieu de l’investissement dans les marchés financiers.
Pourquoi privilégier le remboursement accéléré de l’hypothèque? Trois raisons:
- Les frais d’intérêt de l’hypothèque ne sont pas déductibles. Si le taux hypothécaire est de 5%, cela signifie qu’il vous faudra gagner l’équivalent d’un rendement brut de 7% si l’on est imposé à 40%.
- La plus-value enregistrée (ou gain en capital) sur la revente de la propriété familiale n’est pas imposable, contrairement aux gains en capital réalisés sur les placements boursiers. La moitié desdits gains est imposable.
- À moins d’être surendetté par-dessus la tête, être propriétaire permet de se loger adéquatement tout en s’enrichissant à long terme.
Des gens me diront qu’un rendement brut de 7% (pour couvrir un taux hypothécaire de 5%) ce n’est pas beaucoup à comparer aux rendements obtenus notamment en Bourse lors des dernières années.
Sachez qu’avec son armée de spécialistes en placements diversifiés, la Caisse de dépôt et placement du Québec a obtenu un rendement annualisé de 7,13% sur 10 ans.
Par ailleurs, privilégier la Bourse au lieu de rembourser son hypothèque quand on a de l’épargne équivaut à jouer sur marge, c’est-à-dire investir en Bourse avec de l’argent emprunté.
Quand la Bourse va bien, on fait de l’argent. Quand la Bourse va mal, on est doublement perdant.
Qu’on se le tienne pour dit!