À l’aube de ma retraite comme prof, voici pourquoi je fais la grève

Luc Papineau, Enseignant
On en conviendra tous: jamais les enseignants ne devraient avoir à utiliser des moyens de pression comme la grève pour un enjeu social aussi important que celui de l’éducation.
Tout comme jamais notre gouvernement – qui ne cesse de dire que l’éducation est sa priorité – ne devrait proposer une entente qui aura pour effet d’appauvrir ses propres employés si l’on tient compte de l’inflation.
S’il avait été de bonne foi, ce dernier aurait dû proposer dès le début des négociations un mécanisme qui lierait nos augmentations salariales à celles du coût de la vie. Je demeure convaincu que les mandats de grève obtenus par les divers syndicats d’enseignants n’auraient pas été endossés avec des majorités aussi écrasantes si la CAQ avait mis cette idée de l’avant.
Une priorité?
Mais, on l’a compris, le gouvernement Legault a perdu le pouls de la société en «proposant» à ses employés de s’appauvrir alors qu’il promet de donner aux Québécois des emplois payants comme si les enseignants n’étaient pas des contribuables et des électeurs. La chose est d’autant plus choquante quelques mois après un rattrapage salarial de 30% du salaire des députés. Devant ces incohérences, bien de mes collègues qui ont voté pour la CAQ ont décidé que leur prochain vote sera destiné à un autre parti, au risque de peiner davantage M. Legault quand il regarde les sondages électoraux.
De plus, en cette période de pénurie du personnel où même le ministre de l’Éducation, M. Drainville, a montré son désarroi en affirmant que l’important était d’avoir un adulte par classe, notre gouvernement devrait avoir compris l’importance des enseignants dans notre société et réaliser que, chaque année, des milliers d’entre eux quittent leur profession ou prennent une retraite hâtive à cause de leurs mauvaises conditions de travail.
Pour un gouvernement qui affirme que l’éducation est sa priorité, on le rappelle, on est soit devant une autre incohérence soit devant un mensonge.
Pour l’avenir de l’éducation
Et puisqu’on aborde la notion de mensonge, le gouvernement de la CAQ récolte aussi tous les écarts qu’il a faits avec la vérité durant la pandémie en affirmant aux enseignants que leurs écoles étaient sécuritaires et que la ventilation était adéquate. On sait tous que le ministre Roberge a menti à ce sujet devant ses pairs et la population québécoise. On sait tous que les compliments faits aux enseignants durant la pandémie n’étaient que du vent puisqu’ils ne se traduisent pas en reconnaissance concrète aujourd’hui quand on passe aux choses sérieuses.
À l’aube de ma retraite, j’ai choisi de me battre. Pour ceux qui m’entourent. Pour ceux qui me suivront. Pour les élèves d’aujourd’hui et de demain. Les négos actuelles sont déterminantes pour l’avenir de la profession enseignante et de l’éducation au Québec. On a besoin des meilleurs individus pour éduquer nos jeunes. Croire qu’on les attirera au rabais est une grossière erreur et soulève une autre incohérence de la CAQ, qui affirmait lors des précédentes négociations qu’il fallait tout faire pour attirer des candidats de choix en éducation.
On me reprochera de ne m’intéresser qu’au salaire. Trente ans en éducation m’ont appris deux choses quant aux négociations collectives: le salaire est la seule donnée vérifiable. Le reste, soit affirmer qu’on va améliorer les conditions de travail des enseignants en ajoutant des ressources, est de la frime gouvernementale.
Aussi, comme des milliers de mes collègues, j’ai décidé que je ferais savoir ma colère et mon insatisfaction activement dans la rue, dans les journaux et partout où je le pourrai.
Luc Papineau, enseignant