Face aux menaces de Trump, Poilievre propose de construire la première base militaire du Canada en Arctique depuis la guerre froide
Stephen Harper avait fait une promesse similaire, mais elle a accouché d’un pétard mouillé à plus de 100 millions $

Raphaël Pirro et Anne Caroline Desplanques
Le chef conservateur promet de construire une base militaire en Arctique, une promesse qu’avait aussi faite son prédécesseur Stephen Harper, mais qui a accouché d’un pétard mouillé. Cette fois, les menaces de Donald Trump améliorent les chances de succès.
Près de vingt ans après l’annonce, les militaires n’attendent plus une base, mais un simple quai où la Marine royale canadienne pourra accoster seulement quatre semaines par an puisque les réservoirs de carburant qui y seront reliés ne seront pas chauffés.
Ce qu’on appelle désormais non plus une base, mais l’«installation navale de Nanisivik» doit être opérationnel cet été. Ottawa y a englouti plus de 100 millions de dollars et 18 ans d’énergie.
Lors de l’annonce du projet en 2007, le premier ministre Stephen Harper avait promis une base aérienne et navale où des militaires seraient stationnés toute l’année dès 2014. Mais il a lui-même réduit la portée du projet en 2012, le jugeant trop dispendieux.
Lundi, Pierre Poilievre a remis l’idée au goût du jour. S’il est élu premier ministre du Canada, il promet de construire la base à Iqaluit, au Nunavut, en deux ans seulement.
Avec mon plan « Le Canada d'abord », nous reprendrons le contrôle de notre Grand Nord.
— Pierre Poilievre (@PierrePoilievre) February 10, 2025
PARTIE I pic.twitter.com/G3MFs7WyjN
Localisation mieux choisie
Pour Rob Huebert, expert de la défense arctique à l’Université de Calgary et à l’Institut Macdonald-Laurier, Pierre Poilievre a plus de chances d’y parvenir que son prédécesseur en raison de la localisation choisie.
«Iqaluit a beaucoup plus de sens que Nanisivik parce qu’il y a des infrastructures existantes. C’est une bien meilleure localisation», indique-t-il.
Contrairement à Nanisivik, Iqaluit est une ville de 7000 habitants qui dispose d’un aéroport et d’un port en eau profonde. Moins au nord, la glace y est moins épaisse, ce qui la rend plus accessible.
«La base ne serait pas isolée», a souligné M. Poilievre.
La menace Trump
Autre élément qui rend M. Huebert optimiste: les menaces de Donald Trump réveillent une volonté politique qui a jusqu’ici toujours manqué pour assurer le développement de l’Arctique.
«Les Russes ont réactivé leurs bases soviétiques en Arctique en moins de temps que ce que propose M. Poilievre. C’est la preuve qu’avec de la volonté politique c’est possible», souligne-t-il.
Les bases soviétiques ont d’ailleurs déjà motivé Washington à vouloir envahir une partie du Canada: en 1946, dans un mémo, l’aviation américaine appelait à annexer plusieurs îles de notre archipel arctique, car elle craignait que nous ne soyons incapables de défendre le continent des bombardiers ennemis.
D’où viendra l’argent?
Pour financer la défense de l’Arctique, Pierre Poilievre propose de réduire l’aide internationale: «On n’a pas de l’argent à verser partout dans le monde», a-t-il déclaré.
En 2024, le Canada a consacré 7 milliards $ à l’aide internationale, d’après Coopération Canada.
Or, seulement pour acquérir les deux brise-glace que le gouvernement a commandés pour la Garde côtière, il faudra débourser 8,5 milliards de dollars, selon le directeur parlementaire du budget (DBP). Et ce n’est pas tout. Pour respecter son engagement de verser 2% de son PIB à la Défense, le Canada devrait y consacrer 81,9 milliards de dollars d’ici huit ans, calcule le DPB.