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Culture

À 93 ans, malgré de récents problèmes de santé, Béatrice Picard n’arrête pas

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Pascale Wilhelmy

2023-05-29T14:00:00Z
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Malgré quelques récents problèmes de santé, et son âge qu’elle qualifie elle-même de respectable, Béatrice Picard n’arrête pas. Elle est toujours aussi passionnée par son métier et les causes qu’elle appuie. Pour elle, tant la scène que son implication sociale la gardent dans l’action. «Ça me donne de l’énergie! J’oublie tous mes bobos!» lance la grande dame en riant.

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J'arrive dans son magnifique appartement, tout en lumière, agrémenté de plantes et d’arbustes dont elle prend soin et qui retrouveront bientôt leur place sur l’immense terrasse qui donne sur la rivière, un pont, une église au loin. En riant, elle me dit que parfois elle s’imagine être à Paris dans un appartement surplombant la Seine. Elle est parfaitement à l’image qu’on se fait d’elle, toujours droite et élégante. Directe, rieuse, d’une assurance qu’elle ne veut pas perdre, même si les derniers mois lui ont apporté leur lot de soucis côté santé... Ce qui oblige cette femme énergique à ralentir un peu. Ce n’est pas naturel chez elle. «J’apprends à prendre mon temps», dit-elle. Un être rare qui apprend à prendre son temps, mais qui trouve encore et toujours le temps de prendre soin des autres.

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Madame Picard, comment allez-vous?

Je vais bien. Je vais mieux, je dirais. J’ai eu la covid et j’ai été très malade. Puis j’ai eu aussi des problèmes au coeur, mais c’est réglé maintenant. Mais regarde, je suis bien ici. Tant et aussi longtemps que je vais pouvoir vivre dans ce que j’appelle ma petite maison sur le toit, je vais y rester. C’est important pour moi cette grande terrasse, les plantes. Ça me donne envie de vivre. Surtout que j’ai longtemps habité à la campagne, avec un grand terrain et assez d’espace pour accueillir tout le monde. J’ai besoin de cet espace.

On vous regarde aller, et malgré vos soucis de santé, vous semblez encore bien en forme et vous continuez à vous impliquer dans plusieurs causes...

Oui, tout le temps! Je m’occupe des Petits Frères. Je suis aussi la marraine du Salon des aînés de Saint-Jérôme, c’est important. Ça fait trois ans que j’ai accepté ce rôle. Avec ce Salon, on veut donner des outils aux gens, et aux proches aidants également, pour bien vivre le vieillissement. On veut aussi — inutile de jouer à l’autruche — parler de l’âgisme. C’est comme s’il n’y avait pas de place pour les vieux dans notre société. C’est important d’aborder ces sujets-là, sans jouer à la victime.

Justement, on en parle beaucoup de l’âgisme ces temps-ci...

Oui, et on n’invente rien. Ça existe. Et même si j’ai ma personnalité et si je suis capable de répliquer, j’ai vécu aussi de l’âgisme. Certaines remarques peuvent être blessantes. J’ai joué récemment dans un théâtre où c’était mal éclairé lorsqu’on entrait sur scène dans le noir. Je l’ai dit et j’ai entendu quelqu’un lancer: «Est-ce qu’elle a mis ses lunettes?» Ce n’est rien de grave, mais j’ai répliqué que je ne montais pas sur scène si je ne voyais pas où j’allais. Finalement, ça s’est organisé, et la scène a été mieux éclairée. Toutefois, même ce genre de petit commentaire peut blesser ou froisser. Il faut savoir s’imposer. Le respect est très important pour moi.

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Tout à fait. Au-delà du Salon des aînés, vous vous impliquez aussi dans d’autres causes...

Oui, mais pas autant que je le voudrais. Je m’occupe encore un peu des Petits Frères et aussi de la Fondation de l’hôpital Marie-Clarac. Cette année, on a pensé qu’il serait intéressant d’offrir des cadeaux à ceux qui sont décédés. Par exemple, à la fête des Mères, on peut offrir un cadeau à maman, même si elle n’est plus là, en donnant à la Fondation. On peut faire la même chose pour la fête des Pères ou l’anniversaire d’une amie. C’est le temps d’offrir un cadeau. Ça veut dire: je pense à vous. Je trouve ça vraiment merveilleux! Et je vais le faire, j’offrirai des petits cadeaux à tous ceux et celles que j’ai connus, mes proches et mes amis de scène, qui sont partis. J’ai perdu de grandes amies au fil du temps...

Vous arrivez à rester sereine et heureuse malgré tous ces départs?

Oui. Et tu sais pourquoi? Parce que je me répète tou- jours qu’ils ne sont pas morts tant et aussi longtemps qu’on pense à eux. C’est ce que je me suis toujours dit et c’est pour ça que mon mari, même s’il est mort en 2010, pour moi, il est encore en vie. Parfois, je cherche mes clés et je dis: «André, coudonc, où est-ce qu’elles sont, mes clés?» Et je les retrouve! (rires) À l’occasion, je fais des conférences et je donne des petits trucs pour bien vieillir. Il y a aussi des phrases que j’aime et qui m’inspirent, comme celle de Félix Leclerc qui a dit un jour: «Un vieux pommier ne donne jamais de vieilles pommes.» Alors moi, la vieille madame, je ne donnerai jamais de vieux conseils! Juste ce qui peut aider. 

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À ce moment, notre entretien est interrompu par un appel. D’un bond, en oubliant la canne qu’elle devrait prendre parce que la covid lui a laissé quelques étourdissements, elle part chercher son cellulaire. Une amie la remercie pour un bouquet de fleurs qu’elle vient de lui faire livrer. En raccrochant, elle me montre son téléphone portable en me disant que, tout comme son ordinateur, c’est bien pratique: elle y note ses rendez-vous, elle rejoint facilement ses proches et elle écrit. «Je ne connaissais rien là-dedans, mais un de mes fils et mes petits-enfants m’ont appris. Il faut rester dans le coup!» lance-t-elle. Elle enchaîne sur l’ importance d’ être curieuse, de continuer à apprendre et à s’ouvrir sur le monde. Et elle me pointe son coin lecture où, sur la table, sont accumulés des dizaines de livres. Elle se lève, encore d’un coup, pour me montrer ses lectures. Certaines écrites en petits caractères, mais qu’elle lit lentement avec une loupe. Elle ne se privera pas de découvrir de nouveaux auteurs ou de renouer avec ceux qu’elle apprécie pour une question de grosseur de caractères, ajoute-t-elle. Je l’écoute avec une forme d’admiration. Cette femme, qui est une battante, est surtout inspirante. De retour sur le canapé, notre entretien se poursuit. Elle me parle de la voix de Marge Simpson, de la populaire émission qu’elle a abandonnée en janvier.      

En janvier, vous avez fait vos adieux à Marge Simpson...

Oui, j’ai ralenti. Je n’avais plus la même envie, la même énergie. Et je l’ai fait pendant 33 saisons: ce n’est quand même pas rien! J’ai été touchée de l’affection des gens envers ce personnage que j’incarnais. Et même si j’ai arrêté Les Simpson, j’aime toujours mon métier. J’aime me retrouver sur scène, ça me maintient dans l’action. Ça me donne même de l’énergie! Tu sais, en vieillissant, les années passent à une vitesse folle. Si bien que je me souviens d’avoir fait un jour une blague en lançant: «Moi, je veux jouer jusqu’à l’âge de 100 ans. Et pas en chaise roulante!» Là, j’ai une canne, mais je n’en ai pas besoin quand je joue et, l’air de rien, je m’en vais vers mes 94 ans. Il me reste juste six ans avant de prendre ma retraite! (rires)      

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Vous vous imaginez sur scène à 100 ans?

Pourquoi pas? Sérieusement: pourquoi pas? Je ne danserai pas le cha-cha quand même, mais je suis heureuse sur scène. Et j’oublie tous mes bobos! Il faut juste que je fasse attention à mes étourdissements. Si je fais un geste trop rapide, je dois faire attention — moi qui me suis toujours retournée sur un 10 cennes! 

Avec le temps, qu’est-ce que vous avez appris?

À procrastiner un peu. À apprendre à en faire peu. C’est nouveau pour moi. J’ai quand même élevé quatre enfants et fait ma carrière en même temps. Je travaillais beaucoup, beaucoup. Je me levais avant les enfants et je me couchais tard le soir. J’ai toujours trouvé le moyen de tout faire. Ça roulait. Maintenant, je peux ralentir... 

Je vous regarde, et si c’est ça ralentir... Vous avez encore une belle énergie! Qu’est-ce qui vous porte?

Je vais te le dire, mais c’est tellement ridicule! (rires) Moi, je vis comme si je ne mourrai jamais! D’ailleurs, j’ai encore des projets. Ça ne se réalisera peut-être pas, je serai peut-être morte avant, mais au moins, je serai morte avec des projets! (rires) C’est quand même ça la vérité. Je sais: on naît, on vit, on meurt. C’est sûr et certain que je vais partir un jour. Mais là, pour l’instant, je suis ici et je suis vivante. Je ne suis pas pour penser à la mort tous les jours. 

C’est en partie votre secret...

Oui, et le fait que, durant toute ma vie, dans les hauts comme dans les bas, mon verre a toujours été à moitié plein, jamais à moitié vide. Et c’est pourtant la même égalité. Je suis une optimiste, donc il est à moitié plein!      

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Et le matin, vous vous levez et vous dites merci?

(Elle hésite...) Je n’en ai pas le temps... (rires)

Pourtant, vous m’avez dit que vous preniez le temps...

Dans le temps, non. Pendant des années, je me suis occupée de mon mari, avant son décès. J’ai toujours eu à m’occuper de quelqu’un. J’ai donc l’habitude de démarrer bien vite mes journées. J’ai besoin de ça, de sentir que je sers à quelque chose, sinon, je me sens mal. La vérité, c’est que je me sens un petit peu égoïste de m’occuper de moi ces temps-ci. Mais j’ai compris que c’était correct. Mon fils, c’est beau ce qu’il m’a dit un jour: «Maman, fais attention à toi et repose-toi. T’as tellement fait marcher ta machine toute ta vie, n’oublie pas que t’es une pièce de collection maintenant!» Et c’est ce que je m’amuse à dire désormais: «Moi, je ne vieillis pas, je suis une pièce de collection!» (rires)

Le 7 septembre à 19 h, dans le cadre du lancement médiatique du Salon des aînés de Saint-Jérôme, qui sera animé par Marie-Claude Barrette, Béatrice recevra un hommage pour ses 75 ans de carrière. Le Salon des aînés de Saint- Jérôme se tiendra le 16 septembre 2023. On s’informe au salondesaines.ca et sur la page Facebook de l’événement.

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