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L'article provient de 7 jours
Culture

À 81 ans, Muriel Dutil est toujours sur les planches

Elle est de la distribution de la pièce Parachute libre au Rideau vert.

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Michèle Lemieux

2025-05-31T10:00:00Z
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Un jour, Muriel Dutil a quitté son Abitibi natal pour venir étudier le théâtre au Conservatoire de Montréal. Et depuis bientôt 60 ans, l’actrice continue de relever des défis avec la même passion pour son métier.

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Madame Dutil, vous n’êtes assurément pas celle qui accorde le plus d’entrevues...

(sourire) C’est vrai. Ça m'intimide, mais je suis de plus en plus à l'aise en vieillissant. Lorsque j’étais plus jeune, j'avais toujours peur de ne pas donner la bonne réponse... Disons que maintenant, j’arrive à me détendre... (sourire)

Vous clôturerez la prochaine saison du Rideau Vert avec une pièce intitulée Parachute libre. Que raconte-t-elle?

La pièce porte sur la relation entre deux femmes dont l’une vit dans une chambre d’une RPA depuis des années. Mon personnage arrive et bouscule sa vie. Mon personnage veut rester dans la chambre alors que l’autre ne veut pas. Il y a un suspense, une montée par rapport à cette situation. Elles ont deux caractères opposés. Elles se livrent une espèce de bataille. Le personnage de Pierrette (Robitaille) a un fils qu'elle ne voit plus alors que moi, j'ai une fille avec laquelle je suis en contact. Ce sont vraiment deux univers. En même temps, quand on a beaucoup vécu et qu'on a souffert, il y a une sorte de parenté émotive quand même. Il y aura une rencontre.

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C'est toujours un privilège de monter sur scène après toutes ces années?

J'aime tellement ça raconter des histoires et jouer des personnages les plus différents possibles. J'aime qu'on ne me reconnaisse pas, disparaître derrière le personnage. J’aime que le spectateur oublie que je suis derrière.

Après combien d’années de carrière?

Si je calcule mes années de Conservatoire, ça me fait bientôt 60 ans de métier. J'ai commencé à jouer en 1970, et je n’ai jamais arrêté. De toute ma carrière, j'ai arrêté une seule période de huit mois. J’ai enchaîné les projets les uns après les autres. Je suis chanceuse. Un réalisateur m'avait dit: «You're so game!» C'est peut-être cette partie-là de l'enfant en moi qui s'amuse. Je n’ai pas perdu ça... Je suis toujours étonnée quand je reçois des demandes. Car, à 81 ans, on me demande encore. L’année dernière, je me suis dit que je m’en allais à la retraite, car j’avais passé mon été à lire dans la balançoire, à laisser pousser les mauvais verbes, et je trouvais ça agréable. Je voyais des amis, je recevais des amis. Puis, j'ai eu une proposition. Je ne peux pas m'en empêcher de dire oui. (sourire)

La plupart des gens rêvent d'une retraite à 65 ans, ce qui n’est manifestement pas votre cas.

Je pense que dans notre métier, c'est rare qu'on ait besoin d'une retraite. J’ai lu récemment une phrase que j’ai adoptée: «La vie, c’est la seule carrière qui m’intéresse.» J'ai envie de vivre, de mordre dans la vie, de rencontrer du monde.

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Nous avons besoin de modèles pour redéfinir le troisième âge, qui n’a rien à voir avec ce qu’on pouvait imaginer il y a peu de temps encore.

Être habitée par la passion, être encore vivante, avoir encore envie de faire des projets, c’est magnifique! On n’est que de petits grains de sable sur une planète dans l'univers. Soyons heureux! Sinon, on est vieux à 40 ou 50 ans. La vie n’est pas toujours heureuse, il y a forcément des épreuves, mais après les avoir traversées, on remonte. Je pense que je n’ai pas un tempérament de victime. Pour moi, il y a toujours une solution pour un problème.

C’est une belle manière de voir les choses.

Souvent, ce qui nous arrive, c’est la meilleure chose qui soit. Par exemple, j'ai acheté ma maison après avoir eu un accident de voiture. Je n’aurais jamais acheté cette maison si je n'avais pas eu cet accident. Je l’ai trouvée parce que j'étais à l'hôpital. À travers chaque souffrance, chaque douleur, on peut toujours trouver quelque chose qui nous fait grandir. J'apprends à avoir plus de compassion. Même dans le jeu, même à travers les personnages désagréables, cela me permet d’atteindre plus d'humanité, de me rapprocher de tous les êtres, de toutes les sortes de caractères, de toutes les émotions qui nous habitent.

Compte tenu d’une certaine timidité, qu’est-ce qui vous avait amenée à choisir ce métier?

Je faisais du théâtre amateur et je travaillais dans un bureau, car j’avais fait mon cours commercial. Un soir que je devais aller répéter, j’étais épuisée. Finalement, à 11 h du soir après la répétition, j’étais tellement en forme que ç’a été un moment marquant: j’étais complètement réénergisée. J’ai voulu faire de mon loisir, mon métier...

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Pourtant, il y a plus de 50 ans, les acteurs n’étaient pas légion en Abitibi...

J’ai pris mon petit bagage et je suis partie. Ma mère m’avait trouvé un appartement à Montréal. Comme je travaillais au poste de radiotélévision en Abitibi, je suis allée à Télé-Métropole. J’étais la secrétaire de Robert L’Herbier. Je me suis inscrite au Conservatoire et j’ai été acceptée. Cela a changé ma vie. J’ai rajeuni. J'étais avec des plus jeunes. Ils avaient 19 ans, j’en avais 22. Je suis sortie de l’école à 24 ou 25 ans et j’ai commencé à jouer tout de suite.

Vos parents ont-ils été rassurés de voir que votre carrière prenait son envol?

Oui, parce qu’un jour où j’étais en tournée, je suis allée jouer à Rouyn-Noranda. Ma mère répétait: «C'est ma fille...» Je voyais qu’elle était fière. Le plus beau compliment que j'ai reçu est venu de mon père. J’avais fait le tour de la province avec une pièce qui s'appelle Le temps d'une vie. Mon père est venu me voir jouer, mais il n'avait pas mis ses appareils auditifs. Il m'a dit: «Je n'avais pas mes appareils, je ne t'ai pas entendue, mais j'ai tout compris.» Je n'oublierai jamais ça...

La pièce Parachute libre est présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 13 juin. On s’informe au: www.rideauvert.qc.ca.

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