82 000 spectateurs en 2024: le secret de la relance de l’Agora


Cédric Bélanger
L’Agora du Port de Québec connaît une spectaculaire renaissance depuis sa relance en 2022. Au cours du dernier été, 82 000 spectateurs ont assisté aux concerts à l’affiche dans cette salle en plein air que les vedettes musicales avaient pourtant délaissée pendant plusieurs années.
Grâce notamment aux concerts très courus de la SuperFrancoFête, de Talk, Francis Cabrel, Patrick Watson et The Hives, c’est la troisième année consécutive que l’achalandage est en hausse à l’Agora.

En 2022 et 2023, l’Agora avait accueilli 55 000 et 77 000 personnes.
«N’eût été les annulations de Loud, Sum 41 et Bad Religion, on se serait rendu à près de 100 000», croit le promoteur de la plupart des événements musicaux qui sont présentés à l’Agora, Karl-Emmanuel Picard.
Qui plus est, le premier concert qui a été annoncé pour 2025, celui de James Blunt, s’annonce déjà comme un succès. Les 6000 billets disponibles sont vendus.
C’est un revirement de situation complet par rapport à la décennie 2010. Désertée par les artistes rock de 2013 à 2018, l’Agora n’a alors accueilli que des spectacles de cirque gratuits du Cirque du Soleil (2013) et de Flip Fabrique (2014 à 2018).
À la fin de l’été 2019, une première tentative d’y ramener des vedettes internationales a mené à la création de l’Agora Fest, un festival dont Dennis De Young et Limp Bizkit étaient les têtes d’affiche, mais la pandémie a mis un frein au projet.
Nouveau modèle d’affaires
C’est finalement en 2022 que la véritable relance de l’Agora s’est orchestrée, sous l’impulsion de Richard Samson, directeur général de la Société de développement commercial (SDC) du Vieux-Port, et de Marc-Olivier D’Amours et Patrick Turcotte, du Port de Québec.
La clef? Changer le modèle d’affaires, lequel faisait en sorte que produire un concert à l’Agora constituait un risque financier trop élevé pour les promoteurs.

«J’ai dit qu’il faut accrocher un kit [son et éclairage] au début de l’été, le décrocher à la fin de l’été et amortir la charge entre tous les promoteurs. Ça prenait un modèle d’affaires où ça ne coûte pas 40 000$ de montage et démontage quand tu viens faire un spectacle à l’Agora», raconte Richard Samson.
Étirer la saison
La suite leur a donné raison. Grâce à une programmation qui fait se côtoyer concerts rocks, événements familiaux et sportifs, les gens de Québec ont retrouvé le chemin de l’Agora.
Au cours des trois dernières années, l’Agora a été animée une trentaine de soirs, avec un sommet de 33 en 2024, et vient combler un vide à Québec, où il n’existait pas de lieu pour des concerts pouvant attirer entre 3000 et 6000 personnes.

«C’est un peu comme notre MTelus de Montréal», dit Karl-Emmanuel Picard.
Tout en maintenant le même objectif d’occupation annuel, ce dernier souhaite étirer la saison des spectacles dès 2025.
«Quand on a fait Sean Paul et Dadju, au début et à la fin de septembre, les journées étaient encore super belles. La température était incroyable pour Envol et Macadam (12 au 14 septembre). L’an prochain, on voudrait finir au début octobre et commencer à la mi-mai au lieu de la dernière fin de semaine de mai.»
Relance de l’Agora: les citoyens sont satisfaits
L’histoire de la relance réussie de l’Agora, c’est aussi celle d’un quartier où organisateurs de spectacles et citoyens ont décidé de travailler main dans la main pour en arriver à une cohabitation harmonieuse.
Les bruyants spectacles rock qui se terminent trop tard, source de nombreuses plaintes à l’époque, c’est terminé. L’Agora ne fait plus grincer des dents les citoyens de son quartier.
«Nous n’avons reçu aucune plainte en 2024. Les années précédentes, c’était négligeable et ce sont des situations qui ont été vite corrigées», affirme le président du Conseil de quartier Vieux-Québec-Cap-Blanc-Colline parlementaire, Jocelyn Gilbert.
Une meilleure gestion du son et un couvre-feu désormais fixé à 22h30 ont rassuré les résidents du secteur, tout comme le choix des artisans de la relance de l’Agora de se limiter à une trentaine de spectacles par été.
«On ne veut pas faire chier tout le monde», image le directeur de la SDC du Vieux-Port, Richard Samson.

Agir rapidement
Selon Jocelyn Gilbert, la communication constante avec la SDC du Vieux-Port, qu’il qualifie d’exemple à suivre parmi les quatre SDC que couvre le territoire de son conseil de quartier, fait toute la différence.
«Lors du premier spectacle de la SuperFrancoFête, il y avait une captation visuelle. On a pris la peine de nous rencontrer pour nous dire qu’ils ne seraient pas capables de finir à 22h30 et nous indiquer les mesures qu’ils prenaient pour atténuer le son. Ils sont à l’écoute. Nous avons les numéros de cellulaire de M. Samson et quelques organisateurs, ce qui nous permet d’agir rapidement.»
Autre exemple: des tests d’éclairage ont été effectués en pleine nuit et ont dérangé des citoyens. «Dès le lendemain, c’était corrigé», mentionne Jocelyn Gilbert.
Bon pour les commerces
Ultimement, dit-il, les citoyens sont gagnants puisqu’ils bénéficient, à deux pas de chez eux, d’un lieu de diffusion offrant une programmation de qualité. «C’est quand même un privilège», mentionne M. Gilbert.
Les commerçants du coin profitent aussi de l’achalandage lors des soirs de spectacles.
«Un soir, je mangeais au Don Vegan et, sur la terrasse, il n’y avait que des musiciens. L’équipe de Dadju a loué vingt chambres au Port Royal, à la fin septembre», signale le promoteur Karl-Emmanuel Picard.
«À chaque fois que tu as 5000 personnes à l’Agora, les restaurants sont pleins. Pour Styx, il y avait du monde de Toronto et de la côte est américaine dans les hôtels», conclut Richard Samson.