Publicité
L'article provient de TVA Nouvelles

75e anniversaire du manifeste Refus global: le Québec à l’heure de la modernité

Photo fournie par Manon Gauthier
Partager

Manon Gauthier, Directrice générale de la Fondation Jean Paul Riopelle et Commissaire générale des célébrations du centenaire de Riopelle

2023-08-09T05:00:00Z
Partager

Nous sommes en août 1948. Dans un Québec en pleine Grande Noirceur, la créativité et la liberté sont étouffées par des dogmes religieux dignes d’un siècle révolu.  

C’est alors qu'un groupe de 16 artistes courageux exprime haut et fort, d'une voix unie, leur refus catégorique de l'obscurantisme culturel dans lequel le peuple québécois était depuis trop longtemps maintenu contre son gré. 

Leur refus de continuer de se taire et de se conformer. 

Leur refus d’encore plier l’échine et d’obéir. 

Leur refus de renoncer à leur propre liberté. 

Bref, leur Refus global. 

Ce manifeste, d’une importance historique capitale, remettait en question les normes sociales, politiques et religieuses du Québec de cette sombre époque. Refus global fut l'étincelle d'une révolution culturelle, intellectuelle et sociale qui a profondément secoué les fondements mêmes de notre société – et dont les échos, encore de nos jours, se font ressentir au quotidien. 

Ère nouvelle 

Il y a maintenant 75 ans, le 9 août 1948, cet ouvrage majeur a ouvert la voie à une ère nouvelle, tel un véritable catalyseur de la libération de l'expression artistique. Ses idées ont favorisé une ouverture d'esprit et une réflexion critique sur la société, incitant les gens à s'engager dans d’important débats sociaux et à remettre en question les inégalités et les injustices. 

Publicité

Paul-Émile Borduas, Madeleine Arbour, Marcel Barbeau, Bruno Cormier, Claude Gauvreau, Pierre Gauvreau, Murielle Guilbault, Marcelle Ferron, Fernand Leduc, Thérèse Leduc, Jean-Paul Mousseau, Maurice Perron, Louis Renaud, Françoise Riopelle, Jean Paul Riopelle et Françoise Sullivan. Avec la volonté affirmée d’ébranler les colonnes du temple, ces 16 artistes allaient donner naissance à un véritable tremblement de terre sociopolitique qui mènera ultimement à la Révolution tranquille et à l’émancipation des Québécoises et des Québécois, quelques années plus tard. Comme si le temps s’était arrêté quelque part, le Québec remettait soudainement ses pendules à l’heure de la modernité. 

Certains paieront d’ailleurs le prix fort pour cette attaque frontale envers les institutions culturelles, politiques et religieuses de l’époque, y écorchant au passage leur brillante carrière, comme ce fut le cas pour Borduas, qui sera ultimement déchu de son poste à l’École du meuble de Montréal et forcé de s’exiler pour chercher du travail ailleurs. 

Avec détermination et conviction, ces artistes ont osé défier les conventions sociales et bousculé les codes établis. Plusieurs d'entre eux continueront de marquer l'histoire culturelle du Québec tout au long de leur carrière et ce, encore aujourd’hui. Ayant toutes les deux célébré leur 100e anniversaire cette année, Madeleine Arbour et Françoise Sullivan sont les deux dernières représentantes vivantes des cosognataires de Refus global.  

Jean-Paul Riopelle 

Également membre du groupe des 16 signataires, Jean Paul Riopelle était un artiste engagé qui croyait profondément à la liberté de créer. Son œuvre était résolument en avance sur son époque et démontrait une grande spontanéité et une fougue libératrice. Cette approche correspondait parfaitement à l'esprit de Refus global, qui encourageait l'exploration de nouvelles formes artistiques et l'abandon des conventions académiques, conviant le Québec à s’ouvrir à la pensée internationale. 

Publicité

L'influence de Jean Paul Riopelle – dont on célèbre aussi cette année le centenaire – et des artistes cosignataires de Refus global se fait encore ressentir de nos jours. Leurs contributions artistiques et leur engagement en faveur de la liberté d'expression ont ouvert la voie à une scène artistique québécoise vibrante et diversifiée qui continue d'inspirer les générations actuelles et futures. 

L’ouvrage a aussi résonné bien au-delà de la sphère artistique. Il était le reflet d'un désir profond de liberté à tous les niveaux de la société. Son esprit de résistance et d'émancipation a inspiré des mouvements pour les droits des femmes et les droits civiques, en plus de contribuer au développement d'une conscience culturelle distincte, en encourageant les Québécoises et les Québécois à reconnaître et à célébrer leur patrimoine culturel unique. Les idéaux portés par ce manifeste continuent de nous interpeller encore aujourd'hui dans notre quête d'une société toujours plus juste, égalitaire et inclusive.  

Le legs de Refus global est un rappel important de notre responsabilité individuelle et collective envers la culture et la créativité. L'art a le pouvoir de transcender les frontières, de susciter des débats importants et de façonner notre identité. Le manifeste nous appelle à célébrer la diversité et à écouter la voix de chaque individu, car c'est là que se trouve la véritable richesse d'une société.  

75 ans plus tard, c’est à notre tour de poursuivre leur quête inspirante. Comme l’écrivaient si bien ses auteurs : « D'ici là, sans repos ni halte, en communauté de sentiment avec les assoiffés d'un mieux-être, sans crainte des longues échéances, dans l'encouragement ou la persécution, nous poursuivrons dans la joie notre sauvage besoin de libération. » 

Photo fournie par Manon Gauthier
Photo fournie par Manon Gauthier

Manon Gauthier, Directrice générale de la Fondation Jean Paul Riopelle et Commissaire générale des célébrations du centenaire de Riopelle

Publicité
Publicité