Seven & i se restructure face aux convoitises du québécois Couche-Tard

AFP
Le géant japonais de la distribution Seven & i Holdings, propriétaire des emblématiques supérettes 7-Eleven, a dévoilé jeudi un plan de restructuration de ses activités, censé le renforcer face aux tentatives de prise de contrôle par son rival québécois Alimentation Couche-Tard (ACT).
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Le groupe nippon, qui possède 85 000 magasins dans une vingtaine de pays - pour l'essentiel des 7-Eleven -, avait rejeté début septembre une première proposition de rachat, 14,86 dollars par action en numéraire, de Couche-Tard, qu'il jugeait sous-évaluée.
Mais le poids lourd québécois du secteur a depuis présenté une offre nettement améliorée - qui valorise le groupe à 47,2 milliards de dollars selon l'estimation de Bloomberg -, ce qui en ferait la plus grande acquisition jamais vue d'une firme japonaise par un acteur étranger.
Seven & i entend se défendre: il a annoncé jeudi vouloir se concentrer sur ses supérettes 7-Eleven, cœur de son activité, en créant une unité distincte pour gérer ses autres filiales (banque, supermarchés Ito-Yokado, vente en ligne...) dont la croissance «diffère de celle des magasins de proximité».
Cette nouvelle entité pourrait être introduite en Bourse pour «libérer de la valeur pour les actionnaires et les autres parties prenantes», fait-t-il valoir. Une façon, donc, de faire grimper son cours de Bourse face aux prétentions de Couche-Tard.
Les actionnaires du groupe japonais appelaient depuis longtemps à ce recentrage sur les supérettes. Pour symboliser sa transformation, Seven & i envisage de se rebaptiser «7-Eleven Corporation».
Organiser ces activités indépendamment, en employant le capital «plus efficacement» tout en conservant des «synergies», permettra d'«atteindre une croissance plus élevée» et de doper la valorisation boursière du groupe, a insisté le PDG Ryuichi Isaka devant la presse
Dans le même temps, Seven & i publiait jeudi des résultats trimestriels en demi-teinte: pâtissant du repli de la consommation des ménages japonais sur fond d'inflation persistante dans l'archipel, il a abaissé ses prévisions de bénéfice d'exploitation pour son exercice annuel.
Entreprise «essentielle»
Le japonais a annoncé mercredi avoir «reçu une offre révisée» de Couche-Tard, sans fournir de détails. Selon des médias financiers, celle-ci se chiffrait cette fois à 18,19 dollars par action, soit environ 20 % de plus que la première proposition.
Et très nettement au-dessus du cours de l'action de Seven & i, qui a clôturé jeudi à 2325 yens (environ 15,6 dollars) à la Bourse de Tokyo. Le titre a grimpé de plus de 30 % depuis mi-août, dopé par l'intérêt de Couche-Tard.
Les négociations doivent rester «confidentielles», a simplement commenté M. Isaka jeudi devant la presse.
Pour sa part, Couche-Tard, la marque au «hibou rouge» et géant des «dépanneurs» comme les Québécois surnomment leurs magasins de proximité, entend changer de dimension.
Le canadien possède déjà quelque 16 700 magasins dans 31 pays, qui incluent l'enseigne Circle K: en y ajoutant le réseau des 84 000 7-Eleven à travers l'Asie et en Amérique du Nord, il donnerait naissance à un mastodonte international de la distribution.
7-Eleven est la plus grande chaîne de magasins de proximité au monde. Un quart d'entre eux se trouvent au Japon, où ces supérettes omniprésentes vendent aussi bien des plats à emporter que des billets de concerts et proposent des services (distributeurs bancaires, paiement de factures, photocopieuse...).
De quoi en faire un symbole dans le pays: le gouvernement japonais a classé mi-septembre Seven & i comme entreprise «essentielle» au secteur de l'industrie, une décision susceptible de compliquer une prise de contrôle étrangère.
Et selon les experts, une telle opération pourrait susciter les réserves des régulateurs antitrust, au vu de l'emprise de la nouvelle entité combinée.
Début septembre, Seven & i estimait que la proposition d'achat de Couche-Tard ne reconnaissait pas «de manière adéquate les défis multiples et significatifs auxquels une telle transaction serait confrontée de la part des agences américaines chargées d'appliquer la loi sur la concurrence».
Signe de son appétit, Couche-Tard avait tenté sans succès en 2021 un rapprochement avec le groupe français Carrefour - auquel s'était alors vivement opposé Paris -, et a acquis des stations de TotalEnergies en Europe pour 3,4 milliards d'euros.