5000$ d’amende pour s’être défendu en cour avec l’IA: «il faut faire très attention», selon un avocat criminaliste

Olivier Boivin
Un avocat criminaliste met en garde sur les dangers de la défense en cour à l’aide de l’intelligence artificielle à la suite d’une première amende imposée au Québec pour des arguments erronés obtenus avec l’aide de l’intelligence artificielle.
Un ancien Consul du Canada en République de Guinée, Jean Laprade, s’est vu imposer une amende de 5000$ pour des informations erronées dans sa défense en cour, obtenues à l’aide de l’intelligence artificielle.
M. Laprade se défendait seul dans une affaire de partenariat d’affaires ayant mal tourné lors d’une entente de liquidation entre son entreprise d’aviation ainsi qu’une autre, les deux parties ne s’entendant pas concernant à qui revenait un avion de marque Beechcraft 300.
Le juge Luc Morin de la Cour supérieure du Québec a rendu sa décision le 1er octobre dans cette affaire en confirmant que M. Laprade n’était pas propriétaire de l’appareil en question, mais également en le sanctionnant concernant des informations erronées dans sa défense, obtenues grâce à l’intelligence artificielle.
«Les procureurs des Demanderesses ont efficacement soumis au Tribunal un tableau relevant huit occurrences de citations inexistantes, de décisions non rendues, de références sans objet et de conclusions non concordantes dans la contestation de Monsieur Laprade», peut-on lire dans la décision.
«Tenter d’induire la partie adverse et le Tribunal en erreur en produisant des extraits fictifs de jurisprudence et autres autorités constitue un manquement grave, ajoute-t-on. Considérant la nature punitive d’une condamnation pour manquement procédural et qu’il faut chercher à dissuader ce type de conduite, le Tribunal condamnera M. Laprade au paiement de 5 000$.»
En entrevue à QUB radio, diffusé au 99,5 FM Montréal, l’avocat criminaliste Walid Hijazi indique qu’il n’est pas illégal en tant que tel d’utiliser les outils d’intelligence artificielle dans un contexte judiciaire, mais qu'il faut toutefois s’assurer de vérifier l’information.
«Ce sont des outils extraordinaires, affirme-t-il. Moi-même je m'en sers, je dirais, quotidiennement. Mais il faut faire attention. Il faut en faire une utilisation prudente.»
«Ce sont des outils qui ont une marge d'erreur, ajoute-t-il. Il faut savoir comment s'en servir, savoir comment poser des questions, savoir comment cibler les éléments d’information, et il ne faut jamais tenir pour acquise l'information qui nous est communiquée.»
Les outils d’intelligence artificielle peuvent être utiles lorsque l’on se défend seul, mais encore une fois, M. Hijazi rappelle qu’il faut impérativement s’assurer que les informations véhiculées sont véridiques.
«M. Laprade dit lui-même qu’heureusement qu'il avait l'intelligence artificielle pour s'aider, sinon il en aurait été incapable, mais de manière peut-être un peu innocente, il n’a peut-être pas contre-vérifié, dit-il. Le juge dit que c'est hautement répréhensible, c'est l'équivalent d'induire le tribunal en erreur, et c'est la raison pour laquelle il a été sanctionné et qu'il y a eu une pénalité de 5000$.»
«Le message général qu'il faut comprendre de tout ça, c'est qu'on peut s'en servir, mais il faut faire très attention, continue-t-il. Il faut contre-vérifier tout ce qu'on exprime à la cour dans une requête, que ce soit factuel ou juridique. Les faits doivent être appuyés par de la preuve.»
Voyez l’entrevue complète dans la vidéo ci-dessus