5 questions à Mariloup Wolfe, réalisatrice de la 3e saison de «Bête noire», un thriller qui nous entraîne sur les traces d’un enfant disparu dans un camp d’été

Emmanuelle Plante
En parallèle avec son travail d’actrice et d’animatrice, Mariloup a nourri sa carrière de réalisatrice, qui occupe maintenant presque toute la place.
Au cinéma, on lui doit Les pieds dans le vide, Jouliks, Arlette et Cœur de slush. À la télé, elle s’est investie dans la réalisation de Ruptures, Hubert et Fanny, Mon fils. Des trames souvent sensibles sur lesquelles elle aime faire des recherches avant d’en développer l’imagerie. Elle a pris les rênes de la troisième saison de Bête noire, alors qu’Éliane, la psychiatre bienveillante, et son ami Boisvert, un sergent-détective retraité, doivent retrouver un jeune avec lequel son fils s’est lié d’amitié au camp d’été et qui manque à l’appel.

Tu réalises la troisième saison. As-tu dû observer ce que les autres ont fait avant toi ou tu as eu carte blanche?
J’ai eu le champ libre. Sachant que je suis la troisième à réaliser la série (après Sophie Deraspe et Louis Bélanger), j’ai analysé ce que je souhaitais garder. Je me suis inspirée davantage de la saison un, qui était plus en mouvement. La deuxième saison se passait dans les maisons, les bureaux, la cour. La troisième saison se déroule en forêt. J’aime les plans organiques qui suivent les acteurs. Tant le diffuseur que les producteurs souhaitent une facture cinématographique. J’ai pu mettre ma signature. Et pour le casting, seuls les personnages de Sophie Cadieux et Martin Dubreuil revenaient. J’ai eu carte blanche.

Éliane et Boisvert ont une vision différente de la disparition, puisqu’ils sont sur les lieux quand elle se produit.
Dans la saison un, ils ne s’aimaient pas. Dans la deux, ils étaient moins ensemble. Dans la troisième, c’est le parrain, ils sont complices, ils vivent la quête ensemble. Contrairement aux autres saisons, ils ne sont pas en fonction. Ils étaient venus chercher Albert au camp. Ils sont dans l’action, au moment présent. Ça ajoute une couche de thriller.

Comment as-tu amplifié cette notion de suspense?
Les textes sont tellement bien écrits. C’est un vrai page turner. Ça s’illustre beaucoup par le non-dit. Je me sers du point de vue du personnage pour créer le doute. Il faut donner quelques indices, des cadeaux aux spectateurs, tout en retardant le plus possible l’intrigue. J’aime donner accès au regard, être très proche des personnages. Tout le monde cache quelque chose. Et j’aime créer de l’inconfort. Ça passe aussi beaucoup par la musique de Philippe Brault. Le lieu est important. Je voulais un camp de vacances en bois rond avec des petites cabanes et non des dortoirs. Ça prenait de la texture, des couleurs foncées. Ça en dit long sur le drame. Il y a eu beaucoup de travail au niveau de la direction artistique avec Ludovic Dufresne. C’est un thriller qui se passe beaucoup de nuit, qui traite de santé mentale. La forêt est un personnage. La nature, la pluie, tout devient envahissant.

Il y a une scène impressionnante de tempête. Comment t’y es-tu prise pour la rendre aussi réaliste?
Nous avons fait venir une équipe d’effets spéciaux. On ne pouvait pas couvrir toute la forêt. Il y avait des tours à pluie, des ventilateurs. On a ciblé les cadres, les angles [de caméra]. On s’est dit que quelques arbres allaient bouger. Quand Boisvert, Joanie (Marilyn Castonguay) et Hugo (Jean-François Pronovost) sont dans l’érablière, il y a de grandes fenêtres. C’est là que la tempête est à son maximum. Tourner en forêt augmente les défis. Il faut éclairer les acteurs pour faire croire à la Lune et bien voir leurs yeux, mais on n’a pas d’électricité. Quand on fait du repérage, qu’on spotte un lieu, il faut être capable de retrouver cet arbre-là avec la branche croche. Nous avons utilisé cinq lieux (dont McGill, L'Épiphanie, Saint-Donat) pour reproduire le camp et une forêt d’envergure.

Tu diriges régulièrement des jeunes. Comment les diriges-tu lors de scènes particulièrement dures?
Je dois dire que les gars ont été tops parce qu’on passait de longues heures dans la forêt, de nuit, avec des moustiques. Ils ont un coach de jeu. On fait aussi des répétitions parentales pour créer les liens mère-fils, père-fils. Victor (Diego Flint Djebari) a eu de grosses scènes à jouer. Il avait une fragilité. Ce petit point-là lui permettait d’atteindre la vulnérabilité du personnage. Il en a été chamboulé. Sa mère était sur le plateau. Même Marilyn s’est mise à pleurer. Je lui ai dit que c’était son outil, son avantage, que beaucoup d’acteurs n’ont pas. Ce bouton-là est comme un cadeau pour son jeu d’acteur. Tout le monde a été impressionné et l’a félicité.
Bête noire – saison 3
Mardi 21 h, à Série Plus