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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

4e roman d'Anaïs Barbeau-Lavalette: se réapproprier le désir au féminin

Photo Pierre-Paul Poulin
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2022-10-09T04:00:00Z
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Cinéaste de renom et auteure du roman culte La femme qui fuit, maintes fois primé, Anaïs Barbeau-Lavalette explore les méandres de la rencontre amoureuse et du désir au féminin dans son quatrième roman, Femme fleuve. Ce roman magnifique, poétique, est à la fois une ode à la liberté, à l’expression du désir charnel et un magnifique chant d’amour pour le fleuve Saint-Laurent.

Le roman, qui prend racine sur une île imaginaire, quelque part sur le Saint-Laurent, décrit la rencontre entre une femme bouleversante et un peintre qui tente de reproduire le bleu du fleuve. Sur la grève, il y a un moment de magie... et les petites étincelles surgissent entre eux.

Anaïs Barbeau-Lavalette, écrivaine inspirée et inspirante, révèle dans son roman toute l’intensité du désir au féminin. Un désir qui prend plusieurs formes, module au gré des rencontres et des événements, prend la place qui lui revient. 

En entrevue, l’écrivaine explique que Femme fleuve représente la fin d’un cycle, comme un troisième et dernier ricochet après La femme qui fuit

«Il y a au fond de tout ça un désir récurrent d’écrire sur ce qui fait qu’on reste, sur ce qui fait qu’on part. Évidemment, je pense que ça concerne tout le monde. Moi, par mon histoire, c’est ce qui me préoccupe.»

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Une autre question, tellement fondamentale, la touche également : qu’est-ce qui fait une rencontre? 

«Qu’est-ce qui fait que quelqu’un qui est sur ton chemin, à un moment donné, va devenir quelqu’un d’inoubliable? Il y a quelque chose dans la rencontre qui relève pour moi du mystère. J’avais envie de réfléchir à ça.»

Un dernier tabou

Anaïs Barbeau-Lavalette considère que le désir au féminin fait partie des derniers tabous. 

«J’ai appris très jeune à être désirée, mais tellement tard à être désirante que pour moi, ça a fait partie d’un apprentissage qui est arrivé sur le tard et qui est encore pointé du doigt. Comme si désirer, pour une femme, c’était condamnable, comme si c’était relégué un peu au dévergondage, aux bas-fonds. C’est surtout pas associé à une mère de famille.»

«J’ai l’impression qu’il y a moyen d’être une mère, d’être une femme, d’être désirante aujourd’hui. Et que ce soit une fierté, un trait de caractère, et qu’on en parle. Pas nécessairement qu’on le brandisse, mais surtout pas qu’on ait honte, en fait. Ça fait partie de ce qui nous qualifie comme vivantes, et il faut se réapproprier le beau grand sens de ce mot-là.»

Même dans la littérature, les femmes ont plutôt un rôle passif, côté désir, fait-elle remarquer. 

«C’est ancré dans l’histoire. Les livres qu’on lit encore – Shakespeare, Flaubert, Stendhal –, les jeunes étudient ça à l’école. Ce sont des femmes qui attendent l’homme, qui attendent d’être choisies et qui, en attendant, sont passives. Rendre le désir actif, ça fait partie de mes qualités, comme être patiente, être douce, être gentille, être intelligente. Eh bien, je suis aussi désirante.»

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Elle ne pense pas être la seule à penser de cette façon. 

«Je pense qu’on est plein, comme ça, c’est juste qu’effectivement, on peut se faire pointer du doigt. C’est encore relié à des femmes de mauvaise vie. Il y a quelque chose de bien moyenâgeux dans notre façon de considérer le désir au féminin.»

L’amour

Cette espèce de mystère immense qu’est l’amour est également au cœur de Femme fleuve

«Qu’est-ce qui fait l’amour? Qu’est-ce qui fait, après, la peine d’amour?», ajoute-t-elle.

«Les gens m’expliquaient que pour les endeuillés, comme les grands peinés amoureux, le cerveau est si bien fait qu’il nous fait voir la personne perdue pendant des mois, voire des années, par la suite. On l’hallucine, parce que ça nous préserve de la violence de la perte. Le cerveau étire un peu la peine, comme une queue de comète.»

  • Anaïs Barbeau-Lavalette est cinéaste et auteure du roman culte La femme qui fuit, qui a remporté le Prix des libraires du Québec, le Grand Prix du livre de Montréal, ainsi que le Prix littéraire France-Québec.
  • Femme fleuve est son quatrième roman.
  • Elle sera présente aux salons du livre.
  • Le plus gros film de sa vie, Chien blanc, l’adaptation du roman de Romain Gary, sortira en novembre.
  • Elle partira ensuite en tournée, en Allemagne. 

EXTRAIT

Photo courtoisie
Photo courtoisie

« Au large, le fleuve touche la mer. À la confluence des deux eaux, les couleurs se mélangent lentement.

Au bout de quelques kilomètres, elles deviennent une seule et même couleur, neuve. Ce point de rencontre aquatique, là où les deux eaux fusionnent, s’appelle “les épousailles”.»

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