40 ans derrière les barreaux: la justice française ordonne la libération de Georges Abdallah

AFP
La justice française a ordonné jeudi la libération du militant libanais propalestinien Georges Ibrahim Abdallah, condamné en 1987 pour complicité d'assassinat de diplomates israélien et américain à Paris, et considéré comme l'un des plus anciens détenus de France après 40 ans de prison.
La libération «sous condition de quitter le territoire national et n'y plus paraître» interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique.
La cour d'appel a rendu sa décision au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Abdallah, 74 ans, détenu à la prison de Lannemezan (sud).
«S'ils ont accepté de me libérer, c'est grâce à cette mobilisation qui est ascendante», a estimé le militant propalestinien, dans un entretien avec une députée LFI (gauche radicale) auquel l'AFP a pu assister.
«Le temps passé derrière les barreaux concernant les prisonniers "politiques" ne pèse pas, vous passez cinq ans, 20 ans, 30 ans, 40 ans, ce n'est pas ça la cause de la sortie en fait», a estimé M. Abdallah.
«La sortie est suscitée par une dynamique globale: si le détenu politique ou militant qui est en prison arrive à s'inscrire dans la dynamique des luttes dehors, c'est la mobilisation des hommes et des femmes dehors qui le fait sortir. C'est essentiellement grâce à ça», a-t-il ajouté.
«C'est à la fois une victoire judiciaire et un scandale politique qu'il ne soit pas sorti plus tôt, à cause du comportement des États-Unis et de tous les présidents français» successifs, avait auparavant réagi son avocat Me Jean-Louis Chalanset, au sortir de la salle d'audience.

Son frère, Robert, s'est dit «heureux», estimant que «pour une fois, les autorités françaises se sont affranchies des pressions exercées par Israël et les États-Unis.»
Israël ne s'était pas manifesté pendant la procédure judiciaire, mais a «regretté» jeudi la décision. «De tels terroristes, ennemis du monde libre, devraient passer leur vie en prison», a écrit l'ambassade dans un communiqué.
Incarcéré en France depuis 1984, l'ancien chef d'un groupuscule de chrétiens libanais marxistes propalestiniens est libérable depuis 25 ans, mais les États-Unis, parties civiles, se sont vigoureusement opposés à chacune des demandes de libération déposées par Georges Abdallah.
Le Liban, qui réclame sa libération aux autorités françaises depuis des années, s'est lui dit via son chargé d'affaires à Paris «extrêmement satisfait».
«Nous l'attendions depuis longtemps», a déclaré M. Ziad Taan, ajoutant que «l'État libanais prend toutes les dispositions pour organiser son retour avec les autorités françaises» au Liban, où il est «le bienvenu».
Selon plusieurs sources interrogées avant l'audience, il est prévu qu'il soit emmené par les forces de l'ordre à l'aéroport de Tarbes (sud) direction Roissy, en région parisienne, où il prendra un vol pour Beyrouth.
La décision de la cour peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation du parquet général, mais il ne serait pas suspensif et n'empêcherait donc pas Georges Abdallah de rentrer au Liban.
«Victoire»
Son collectif de soutien a qualifié de «victoire» l'annonce de sa libération, tout en espérant que cette décision de justice ne «sera pas entravée».
«C'est d'abord une victoire de Georges Abdallah lui-même, qui, en dépit de 40 années de détention, est resté toujours fidèle à ses principes politiques et à son identité de militant communiste anti-impérialiste», a déclaré à l'AFP Tom Martin, membre de ce collectif.

Georges Abdallah était dans les années 80 l'ennemi public n°1 et l'un des prisonniers les plus célèbres de France. Non pas en raison de son affaire, mais parce qu'on l'a longtemps cru, à tort, à l'origine de la vague d'attentats de 1985-86 qui avait fait 13 morts et installé la psychose dans les rues de Paris.
Les véritables responsables, des pro-Iraniens, avaient été identifiés deux mois après la condamnation à la perpétuité de Georges Abdallah.
Ce dernier n'a jamais reconnu son implication dans les assassinats des diplomates à Paris, mais les a toujours qualifiés d'«actes de résistance» contre «l'oppression israélienne et américaine», dans le contexte de la guerre civile libanaise et l'invasion israélienne au sud-Liban en 1978. Il a toujours refusé de renier ses convictions.
Son groupuscule des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises) est dissous depuis longtemps et «n'a pas commis d'action violente depuis 1984», avait toutefois souligné la cour dans son arrêt de février, estimant que Georges Abdallah «représente aujourd'hui un symbole passé de la lutte palestinienne».