3e lien: avec sa nouvelle publicité, le PQ sort les griffes


Josée Legault
L’abandon mal ficelé de sa promesse solennelle d’un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis est la première égratignure dans l’armure de la CAQ. Sa mise au jeu d’une nouvelle mouture exclusive au transport collectif est la deuxième.
À l’instar du projet initial, celui-ci est flou à souhait. Personne au gouvernement n’en précise les coûts, l’échéancier ou même le type de transport concerné.
Petite prédiction : cette énième mouture finira elle aussi dans la grande poubelle de l’Histoire.
Les partis d’opposition, éclipsés depuis des années par la pandémie, la forte popularité de la CAQ et du premier ministre François Legault, y voient leur première vraie chance de prendre l’offensive.
Vendredi, le Parti Québécois a donc sorti ses griffes. Sa nouvelle publicité frappe plus dur qu’à l’habitude.
Sur des images montrant M. Legault répéter sa promesse d’un troisième lien, elle enfile d’autres promesses rompues: réformer le mode de scrutin, plafonner le nombre d’immigrants, freiner le déclin du français par sa loi 96, etc.
L’objectif de la pub est triple.
- Tenter de définir François Legault et ses troupes comme ayant fait volontairement de fausses promesses à des fins strictement électoralistes. Ce qui en fait une question de confiance.
- Espérer attirer au PQ de nouveaux membres déçus de la CAQ. Ce qui ne va pas sans rappeler, à une échelle plus modeste, l’appel passé de la CAQ aux électeurs déçus du PQ.
- Par effet de contraste, tenter du même coup de profiter du capital de sympathie de son chef Paul St-Pierre Plamondon, dont l’image d’«authenticité» fait mouche depuis la campagne électorale.
Plus rien à perdre
Les libéraux, n’ayant plus rien à perdre, grattent le même bobo, mais différemment. Ils accusent la CAQ et son chef d’être «brouillons». D’improviser des idées et des projets sur un coin de table.
Le 22 avril, en entrevue avec Le Devoir, Denis Lebœuf, expert en grands chantiers civils, en faisait lui-même le constat. Face au manque d’informations fiables sur le troisième lien, il notait le «manque de rigueur dans la gestion du projet». Le titre de l’article? «La CAQ apparaît encore brouillonne»...
Évidemment, personne ne sait si, à plus long terme, la CAQ perdra ou non des plumes au sein de son électorat. Ce qu’on sait est que, pour le moment, dans la région de Québec, la colère est réelle.
Sentiment d’invincibilité
Selon un sondage SOM/Le Soleil, la moitié des électeurs de la région ayant voté CAQ disent qu’ils ne le referaient pas. D’ici le scrutin de 2026, beaucoup d’eau coulera néanmoins sous les ponts, si amochés soient-ils à Québec.
Pour la CAQ, la pénible saga du troisième lien devrait cependant allumer quelques voyants jaunes sur son tableau de bord, catégorie «attitude».
Lorsqu’ils obtiennent un second mandat plus fort que le premier — comme chez la CAQ —, les gouvernements et leurs premiers ministres tendent à se sentir invincibles.
Or, en politique comme dans la vie, le sentiment d’invincibilité n’est jamais bon conseiller. Il risque de rendre arrogant, mais aussi imprudent et brouillon. On n’a qu’à penser à Robert Bourassa et René Lévesque.
Pour chacun, malgré un second mandat plus fort encore que le premier, le tout s’est terminé en catastrophe. Impossible de dire si le même sort attendra ou non la CAQ.
La seule certitude est que le gouvernement serait sage de se méfier de tout sentiment d’invincibilité.