31e roman d'Amélie Nothomb: ces parents qui s’aiment trop


Marie-France Bornais
Lauréate du prix Renaudot en 2021 pour Premier sang, roman dans lequel elle racontait l’histoire de son père, diplomate belge, la talentueuse Amélie Nothomb propose une histoire d’amour fusionnel entre deux sœurs dans son 31e roman, Le livre des sœurs. Les relations parents-enfants difficiles, les relations entre sœurs, les troubles des conduites alimentaires, et surtout, l’impact énorme des paroles qu’on prononce sont au cœur de cette histoire qui se lit d’une traite. Car les mots, comme elle l’écrit, peuvent blesser ou guérir puisqu’ils ont «le pouvoir qu’on leur donne».

Nora et Florent, amoureux éperdus, vivent une passion qui dure et dure... au détriment de tout le reste. Lorsque leur fille, Tristane, vient au monde, ils l’aiment... mais continuent de prioriser leur relation à eux.
Tristane, toute petite et déjà en perte de repères, doit apprendre à vivre et à trouver sa place au sein de cette famille qui ne fait pas grand cas de son existence. Elle doit apprendre, très jeune, qu’il ne faut pas déranger.
En entrevue par courriel, juste avant son départ en vacances pour la Belgique, Amélie Nothomb explique quel a été l’élément déclencheur pour l’écriture du roman.
«Une grande amie m’a raconté son enfance auprès de parents qui s’aimaient trop pour la remarquer. J’ai pensé que ce qui aurait pu la sauver, c’eût été de vivre un amour fusionnel avec sa sœur. Cette amie n’avait pas de sœur. J’ai imaginé qu’elle en avait une.»
Dans le roman, Amélie Nothomb a donné une deuxième fille à Nora et Florent et donc une petite sœur à Tristane : la jolie Laetitia. Dès sa naissance, Tristane a été envoûtée.
«Lorsque Tristane arriva dans la chambre d’hôpital, elle sut qu’elle était en train de vivre le moment clé de son existence. La sensation du sacré était si forte qu’elle avait du mal à respirer», écrit-elle dans Le livre des sœurs.
Amélie Nothomb précise, dans l’entrevue, qu’elle connaît cet amour fusionnel entre deux sœurs puisqu’elle le vit intensément avec sa sœur, Juliette, écrivaine elle aussi.
Dans le roman, Nora et Florent vivent une passion dévorante qui est loin de s’éteindre, malgré les années. Les autres le voient bien, mais ne s’inquiètent pas pour autant. «La passion, ça n’a qu’un temps...», disent-ils.
Qu’en pense l’écrivaine? «L’amour peut durer éternellement. Pour autant, je désapprouve l’amour forteresse de Nora et Florent. Surtout quand on a des enfants.»
Même à un très jeune âge, la petite fille doit «inventer son rôle», grandir sans déranger, s’organiser tout seule avec son mal de vivre.
«C’est ce qui est arrivé à cette amie dont je parlais plus haut», ajoute Amélie Nothomb.
Le pouvoir des mots
On dit souvent que les mots blessent. Amélie Nothomb décrit la construction d’une personne qui porte une blessure profonde et qui, en même temps, a une compréhension extrêmement lucide du monde qui l’entoure.
«J’ai imaginé une enfant qui, par son extrême douleur, était au courant du pouvoir du langage et cherchait à faire mieux que ses parents», explique l’autrice.
Élève douée, Tristane se fait pourtant traiter de «petite fille terne» — un qualificatif navrant. Est-ce qu’on a donné des qualificatifs du genre à Amélie Nothomb quand elle était jeune?
«Oui. Quand j’avais 18 ans, mon père m’a dit : “Tu ressembles à Marguerite Yourcenar âgée.” Cela m’a blessée. Beaucoup d’années plus tard, j’ai décidé d’y voir un compliment. Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne!»
♦ Amélie Nothomb publie cette année son 31e roman.
♦ Son roman précédent, Premier sang, a obtenu le prix Renaudot en 2021.
♦ Dans Le livre des sœurs, il est question d’un groupe de musique... Amélie Nothomb aurait adoré faire partie d’un band. «Je serais bassiste dans un groupe métal, ça déchirerait grave!», dit-elle à ce sujet.
♦ Elle prévoyait passer ses vacances d’été en Belgique pour se reposer.
♦ Avec sa sœur, Juliette, elle viendra au Salon international du livre de Québec le printemps prochain.