22 minutes d’attente pour une ambulance en plein cœur de Montréal: une jeune femme meurt asphyxiée
Dany Turcot estime que ces délais ont peut-être coûté la vie à sa sœur
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Pascal Dugas Bourdon
2024-02-25T05:00:00Z
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Notre Bureau d’enquête a compilé et analysé les délais moyens entre un appel urgent au 9-1-1 et l’arrivée des ambulanciers dans les 112 municipalités de plus de 10 000 habitants du Québec, sur une période d’une année. Résultat: près de 85% d’entre elles sont incapables de fournir dans les temps requis une ambulance à une personne dont la vie est menacée.
Une jeune femme de 27 ans est morte asphyxiée après avoir attendu l’ambulance 22 minutes, en plein cœur de Montréal. Son frère juge aujourd’hui que ce délai lui a peut-être coûté la vie.
«Les services de première ligne, c’est comme un filet social. C’est censé nous protéger en cas d’imprévu. Mais cette fois-là, le filet avait un gros trou dedans et il a échoué», regrette Dany Turcot, le cadet de Marilyne, décédée en juillet 2018.
Dany Turcot photographié à quelques mètres de la résidence de sa sœur, Marilyne, qui est décédée après avoir attendu l'ambulance 22 minutes, à Montréal.TOMA ICZKOVITS
Notre Bureau d’enquête a révélé samedi que près de 85% des plus grandes municipalités du Québec sont généralement incapables de fournir dans les temps requis une ambulance à un citoyen dont la vie est en danger. Ces délais sont observables même dans les grands centres de Montréal et de Québec.
Le 30 juin 2018, Marilyne Turcot soupait avec un ami dans son appartement du Vieux-Rosemont, lorsqu’un morceau de viande s’est logé dans sa trachée, l’empêchant de respirer.
Marilyne Turcot.PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE
Rapidement, l’ami qui l’accompagnait a tenté des manœuvres pour désobstruer ses voies respiratoires, mais sans succès. Il compose le 911 à 19h26. Les premiers répondants arrivent 11 minutes plus tard et les ambulanciers suivront, au bout de 22 minutes.
Mais c’était trop peu, trop tard. Le lendemain de l’accident, un examen révèle une importante atteinte cérébrale causée par le manque d’oxygène. Elle est décédée quelques jours plus tard.
« Quand j’ai lu le rapport du coroner, j’ai compris que ça a pris vraiment beaucoup de temps avant que l’ambulance arrive »
- Dany Turcot, frère de la défunte, Marilyne, qui a attendu l’ambulance pendant 22 minutes
Photo TOMA ICZKOVITS
La coroner, Laurence Sarrazin, conclut qu’il a fallu 8 minutes pour qu’on assigne l’appel à une ambulance et 16 minutes de plus pour qu’elle arrive à la bonne adresse. Ces délais «m’apparaissent plutôt longs», note-t-elle.
«J’ai pensé souvent au délai de l’ambulance. Mais quand c’est arrivé, en 2018, on était tristes, dévastés, et on n’avait pas l’énergie d’aller plus loin et d’intenter des poursuites», avance M. Turcot.
Écoutez l'entrevue avec Jean Gagnon, paramédic soins primaires à Urgences-santé et représentant du secteur préhospitalier au bureau fédéral de la FSSS-CSN au micro d’Alexandre Dubé via QUB :
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Peu d’ambulances disponibles
Selon un document obtenu par notre Bureau d’enquête, il n’y avait en moyenne que 1,2 véhicule disponible sur l’ensemble du territoire de Montréal et de Laval, à l’heure où le 911 a été composé.
Urgences-santé reconnaît que le délai d’intervention a été «anormal», mais ne croit pas que le faible nombre de véhicules disponibles soit en cause. Elle l'attribue plutôt à un problème d’identification de l’adresse par le système de géolocalisation du 911, puisqu’il s’agissait d’une construction récente. C’est d’ailleurs l’explication qu’a retenue la coroner Sarrazin.
Toujours est-il que les premiers répondants ont aussi été touchés par cet enjeu de l’adresse... mais qu’ils sont arrivés en 11 minutes, soit deux fois plus vite.
Délais ambulanciers
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