20e anniversaire de «Funeral», d’Arcade Fire: l’album qui a tout changé à Montréal


Félix Desjardins
Il y a 20 ans, jour pour jour, la scène rock montréalaise a changé à tout jamais avec la parution de l’album Funeral, d’Arcade Fire. Si l’héritage du collectif a été entaché par les allégations visant son meneur, Win Butler, l’impact de cet opus audacieux est encore perceptible à ce jour.

Au tournant des années 2000, la scène montréalaise était en pleine effervescence. Dans les universités, les salles de spectacles et les bars, le talent foisonnait, mais la métropole québécoise tardait à être reconnue à sa juste valeur. Et puis, une bande d’étudiants de l’Université McGill a tout changé.
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«Funeral, c’est comme le moment d’éveil, le moment où il y a eu une prise de conscience qu’il y a quelque chose de majeur qui se passait à Montréal, se souvient le musicologue Danick Trottier en entrevue téléphonique. Il y a une genèse, quelque chose de juvénile dans Funeral. Il y avait quelque chose du genre: “On ose, on se casse la gueule ou ça passe.”»
Ç’a passé, et pas à peu près. Propulsé par la critique dithyrambique du site spécialisé Pitchfork, qui lui a attribué la note de 9,7/10, l’album s’est écoulé à plus d’un million de copies et est considéré comme un des projets les plus influents et acclamés de la décennie.
Un vent de fraîcheur
La «richesse instrumentale» du projet et les thèmes qui y sont abordés sont les deux raisons principales expliquant son impact, poursuit Danick Trottier.
«Arcade Fire est devenu le chouchou de la critique rock indie [...] grâce à sa richesse instrumentale, explique-t-il. Il y a du piano, du violon, de l’accordéon, des percussions, du xylophone, de l’orgue, du travail vocal. D’autre part, il y a le thème de la mort, qui n’était pas très exploré à l’époque. D’en faire un album-concept comme premier album, c’était audacieux.»
En effet, quatre membres du groupe ont été affligés par le décès d’un membre de leur famille pendant la conception de l’album. La vulnérabilité des textes de Win Butler et de Régine Chassagne ainsi que la qualité orchestrale de Funeral ont été une source d’inspiration pour plusieurs artistes populaires qui ont suivi leurs traces. Parmi ces héritiers, Danick Trottier mentionne The National, Sufjan Stevens, Half Moon Run et Lana Del Rey.
«C’est intéressant, parce qu’on voit de plus en plus de jeunes artistes nommer Arcade Fire parmi leurs influences, et pas juste à Montréal. C’est dans la pop mondiale.»
Une relation fragile

Arcade Fire a célébré l’anniversaire de son album phare, cet été, en donnant sept concerts... en Europe. Le collectif concluera cette tournée commémorative au Colorado, lundi. Depuis les allégations d’inconduite sexuelle visant Win Butler révélées par Pitchfork, le groupe jadis considéré comme le porte-étendard du rock montréalais a évité la Belle Province, à l'exception d'une visite au Centre Bell à la fin 2022.
«On est plus critique quand ce sont des artistes locaux sur ces questions-là, estime Danick Trottier. Les comportements déplacés, même s’il n’y a pas de procès, dans le rock indie, ça ne passe pas. Quand ils sont arrivés, [ils avaient l’image] des Montréalais cool du Mile-End et il y a quelque chose qui a été brisé avec les révélations autour de Win Butler.»
On ne sait pas si Arcade Fire retombera dans les bonnes grâces du public québécois un jour, mais la place de Funeral dans l’histoire de la musique canadienne ne sera jamais menacée.