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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

13 roman d'Alain Mabanckou: une histoire de morts bien vivants

Photo courtoisie, Sébastien Micke
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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

2022-10-08T04:00:00Z
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Dans son 13e roman, l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou s’est amusé à flirter avec la mort. Et l’histoire qui en découle est aussi colorée que la page couverture du livre.

Quatre ans. Ça fait quand même long à attendre lorsqu’on aime beaucoup un auteur et que ce dernier met tout ce temps-là avant de nous offrir un nouveau roman. À sa décharge, Alain Mabanckou ne tenait pas à publier pendant que la pandémie faisait rage. Accorder l’essentiel de ses entrevues de presse sur zoom? Ah non, très peu pour lui. 

Lorsqu’on l’a joint au téléphone vers la mi-septembre, il était d’ailleurs très heureux de se retrouver à Paris – depuis quelques années, il vit et enseigne à Los Angeles – afin d’assurer la promotion de son petit dernier, Le commerce des Allongés. Et à peine venait-on de l’avoir au bout du fil qu’il nous demandait de l’excuser un instant : quelqu’un croisé dans la rue tenait à prendre un selfie avec lui ! 

Bref, Alain Mabanckou fait indiscutablement partie des bons vivants. Ce qui ne l’a pas empêché d’écrire un livre mettant la mort en vedette d’un couvert à l’autre. 

«J’ai commencé à songer à ce sujet au cours de l’un de mes séjours en Afrique, explique-t-il. Dans les faits divers d’un journal, j’ai lu qu’au Congo, une femme qui était morte depuis un moment réapparaissait dans les boîtes de nuit le jour de la fête de l’indépendance pour voler des âmes.» Oui, farfelu à souhait. Surtout pour nous, Occidentaux. «J’ai donc pensé que la mort de mon personnage principal me donnerait la possibilité d’exposer notre manière de voir les choses, d’illustrer les pratiques les plus profondes de notre société», poursuit-il.

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Un dur réveil

Alain Mabanckou a beau avoir définitivement quitté le Congo au tout début de la vingtaine, il finit toujours par revenir à Pointe-Noire dans ses romans. «Je pense que c’est une géographie originelle, dit-il. J’ai l’impression que je suis dans un endroit où j’ai longtemps erré et quand j’ai besoin d’y retourner, je trouve toujours quelque chose de nouveau dans cette ville. Et puis son âme, son esprit sont essentiels dans Le commerce des Allongés

Parlant d’âmes et d’esprits, on va justement découvrir qu’il y en a pas mal à Pointe-Noire. Particulièrement au cimetière du Frère-Lachaise, où Liwa Ekimakingaï va reprendre connaissance... après avoir perdu la vie à l’âge de 24 ans. Là, sur sa tombe, il va assister à ses propres funérailles et à tous les rituels qui viennent avec, et il va revoir en rêve les grandes lignes de sa trop brève existence : son enfance passée aux côtés de sa grand-mère, l’église pentecôtiste qu’il a dû fréquenter les dimanches jusqu’à ce que son pasteur ne se mette à faire des siennes, son travail en tant que commis de cuisine à l’hôtel Victory Palace, etc. 

«J’en ai profité pour embrasser quelques questions sociales cruciales qui minent le continent africain, précise Alain Mabanckou. Les gourous, les sectes, les abus de pouvoir, les inégalités, les violences que subissent les mineurs, la corruption politique, etc. Je crois qu’aujourd’hui il est difficile pour moi d’écrire sans regarder ce qu’il y a autour de moi.»

Passer dans l’autre monde

Liwa tentera d’apprivoiser sa nouvelle réalité entouré d’une curieuse bande de défunts comprenant entre autres l’artiste Lully Madeira (de son vivant, il a consulté un féticheur pour faire décoller sa carrière et il l’a très cher payé!), un ancien directeur de la Société Nationale d’Électricité du Congo et une femme qui aurait été arrêtée et brûlée pour hérésie. Mais comme son trépas prématuré lui est resté en travers de la gorge, Liwa songera également sérieusement à se venger de ceux qui l’ont expédié ad patres. 

Une histoire macabre? Alors là, pas du tout. La plume d’Alain Mabanckou étant toujours aussi colorée et divertissante, elle nous réserve plutôt des envolées souvent pleines d’humour et de candeur.  

«La difficulté a surtout été de trouver une fin à ce livre. Pour l’écrire, j’ai déployé toutes les voiles dehors et à un moment, je me suis vraiment demandé de quelle façon j’allais pouvoir retomber sur mes pieds. Mais ça n’a rien de bien nouveau, car en général, je ne sais pas comment mes livres vont se terminer. Chaque fois, je me fais confiance», conclut-il.

Photo courtoisie
Photo courtoisie

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