12 rues, 140 km et 123 sacs de déchets en un an
Un Français découvre Montréal en ramassant à la course les déchets sur une rue complète chaque mois


Louis-Philippe Messier
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
12 rues, 140 km et 123 sacs d’ordures. C’est le bilan du coureur montréalais James Guilbaud après un an à décrasser les artères de Montréal.
L’an dernier, il a couru les rues Wellington, Saint-Jacques, l’avenue du Mont-Royal, le boulevard de Maisonneuve, Sainte-Catherine, Beaubien, de la Commune, Saint-Joseph, Verdun, Hochelaga, Rachel et Saint-Paul.
Je l’avais d’ailleurs rencontré en avril pour « décochonner » l’avenue du Mont-Royal.
Les pires rues
La rue où il y a vraiment trop peu de poubelles publiques ? Hochelaga.
« Je me retrouvais toujours avec des sacs pleins à transporter sans jamais voir de poubelles où me décharger. »
La palme de la saleté revient à une rue du Vieux-Montréal : Saint-Paul.

« En 4 kilomètres de course sur Saint-Paul, je passais mon temps accroupi à ramasser... j’ai rempli neuf sacs ! Plus de déchets que pendant mes 18 kilomètres sur la rue Beaubien. »
La neige influence bien sûr les statistiques. Son blanc manteau dissimule bien des horreurs qui ne resurgiront qu’au printemps.
Outil de découverte
Arrivé à Montréal en 2018, M. Guilbaud, originaire de Nantes en France, utilise son projet #1rueparmois, qu’il diffuse en photos sur Instagram, pour découvrir sa ville d’adoption.
« En 2021, j’ai couru 12 rues est-ouest, d’un bout à l’autre, des deux côtés, et en 2022, ce sera 12 rues nord-sud, ce qui sera un peu plus difficile en raison du dénivelé. »
Au menu des prochains mois, donc, il y aura des artères aussi illustres que Saint-Laurent ou Saint-Denis.
« J’ai hâte de pouvoir dire que j’ai fait intégralement ces rues très importantes et symboliques de Montréal », me dit l’homme de 33 ans qui travaille chez Tourisme Montréal pour « vendre » la métropole comme destination aux Américains.

« Je partirai du fleuve et j’irai à l’extrémité opposée de la rue, puis je reviendrai vers le fleuve... pour rappeler que c’est justement dans l’eau et dans les océans que nos déchets aboutissent. »
Jamais tranquille
À force de pratiquer le loisir très utile qui consiste à courir avec un sac et à se pencher pour ramasser tous les détritus visibles, on développe une sorte de mauvais œil... On remarque chaque petit déchet et on se rend alors compte qu’il y en a partout !
En entrevue avec moi, tandis que nous marchons sur la rue Wellington près du métro de L’Église, James Guilbaud n’a jamais l’œil tranquille. Il continue de nettoyer le trottoir, avec moi.
« C’est devenu comme un réflexe conditionné et je dois parfois me dire : pas maintenant, James, ce n’est pas le moment de ramasser les déchets pendant une sortie avec ma blonde ! »
En suédois, cette activité de course avec ramassage de déchets porte un nom : plogga.
Et le projet fait fait des émules. Une résidente de Québec, Anne-Marie Gingras, a décidé de l’imiter.
« J’ai fait pour l’instant les rues Saint-Jean, le boulevard Montmorency, l’avenue D’Estimauville et la 3e avenue à Limoilou », me dit celle qui gère le groupe Facebook Nettoie ton kilomètre.