100 jours de Donald Trump: «faiseur de paix» ou apôtre du désordre mondial?
AFP
WASHINGTON | En 100 jours de retour au pouvoir, Donald Trump a imposé son tempo, malmené les alliances des États-Unis, menacé d’annexer des territoires et bousculé comme rarement avant lui l’ordre géopolitique mondial.
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Mais, en parallèle, le président américain de 78 ans, qui se présente en «faiseur de paix» et caresse l’espoir de se voir attribuer le Nobel de la paix, a engagé des négociations inédites avec la Russie et l’ennemi juré iranien, avec un succès mitigé.
Des droits de douane tous azimuts dont ceux contre le grand rival chinois en passant par le canal de Panama et le Groenland, ou encore en mettant les Européens dos au mur et en taillant dans l’aide étrangère, le président républicain fait avancer à marche forcée sa vision de «l’Amérique d’abord».
Une approche clairement unilatéraliste, fondée sur le seul principe de la transaction, une sorte de donnant-donnant diplomatique.
Elle met fin à des décennies de soft power (diplomatie d’influence) américain et remet en cause les fondements de la mondialisation et du libre-échange.
«L’administration Trump a jeté toutes les anciennes certitudes dans un mixeur et les a liquéfiées», écrit Mark Leonard qui dirige le European Council on Foreign Relations (ECFR), dans le site de l’organisation.
Force est toutefois de constater que la tâche n’est pas aussi aisée que cet adepte de la «paix par la force» a pu le laisser entrevoir.
Israël a repris son offensive dans la bande de Gaza et le conflit en Ukraine perdure.
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Rapprochement avec Poutine
La rupture la plus spectaculaire est sans doute son rapprochement avec Vladimir Poutine, qu’il dit admirer.
En renouant avec le président russe, Trump a mis fin à l’isolement international du Kremlin, quitte à le faire sur le dos de Kyïv.
Le maître du Kremlin était pourtant considéré comme un paria par l’ancienne administration Biden et les pays occidentaux depuis son invasion de l’Ukraine en février 2022.
Dans la foulée, Américains et Russes ont tenu des négociations inédites en Arabie saoudite, dans l’espoir d’un rétablissement de leurs relations.
Donald Trump et Vladimir Poutine se verront-ils en tête-à-tête? Ils l’ont suggéré, peut-être dès ce mois d’avril, également sur le sol du royaume saoudien transformé en intermédiaire de luxe.
Les États-Unis ont dans le même temps durci le ton vis-à-vis du président ukrainien Volodymyr Zelensky, l’altercation spectaculaire lors de la visite de ce dernier à la Maison-Blanche ayant choqué à travers le monde.
Tenus à l’écart, les Européens ont été associés aux discussions lors de réunions trilatérales jeudi dernier à Paris, avant une nouvelle session à Londres cette semaine.
Mais alors que les négociations sur un cessez-le-feu piétinent, Donald Trump a menacé de se retirer des discussions si aucun accord n’était trouvé rapidement.
Négociations avec l’Iran
Sur un autre front, le président américain a engagé de rares négociations sur le programme nucléaire iranien.
Américains et Iraniens, ennemis depuis la Révolution islamique de 1979, ont déjà tenu deux sessions de discussions indirectes, à Oman et Rome, conduites côté américain par l’homme de main du président, son ami milliardaire Steve Witkoff.
Washington, qui mène une politique dite de «pressions maximales» contre Téhéran, affirme favoriser une solution diplomatique avec l’Iran, mais n’écarte pas une intervention militaire afin de l’empêcher d’obtenir l’arme atomique.
Les responsables de l’administration Trump, à commencer par son secrétaire d’État Marco Rubio, ne cessent de mettre en avant le fait que le président américain sort des «sentiers battus» et qu’il est le «seul à même» de mener de telles négociations.
Parmi ses autres faits d’armes depuis le 20 janvier: le retrait annoncé des États-Unis de l’accord climatique de Paris et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Par ailleurs, le président américain a engagé des coupes budgétaires massives dans l’aide des États-Unis à l’étranger, au nom de la lutte contre le gaspillage et les programmes promouvant la diversité, l’équité et l’inclusion.
Il a aussi mis en œuvre une politique d’expulsion de migrants illégaux et lancé une guerre contre les cartels de la drogue mexicains, qualifiés d’organisations terroristes étrangères.
«Ses initiatives bouleversent ce que nous connaissions, en tout cas depuis la Seconde Guerre mondiale», juge Melvyn Leffler, historien à l’Université de Virginie.
«Je pense que Trump est un retour au darwinisme social de la fin du XIXe siècle, dans lequel il croit que toutes les nations sont engagées dans une lutte pour la survie des plus aptes», ajoute-t-il, doutant que les États-Unis ne reviennent jamais «au même type d’ordre libéral, mondial et hégémonique qui existe plus ou moins depuis 1945».